La chronique de Patrick Pilcer
12H14 - jeudi 11 février 2021

Bitcoin saison 2, L’Empire Musk contre-attaque. La chronique de Patrick Pilcer

 

 

Comment faire monter n’importe quel actif de 40% ? Dites à un influenceur, gourou de ce nouveau siècle, d’en acheter puis de le dire et de rajouter le nom de cet actif dans son profil Twitter !

Cela paraît incroyable avec toutes les réglementations et la surveillance mises en place par la SEC, mais c’est bien ce qui s’est passé ces dernières semaines sur le Bitcoin. En janvier, Tesla « diversifie » sa trésorerie en achetant des bitcoins pour 1,5 milliards de dollars américains, soit 8% de sa trésorerie, puis Elon Musk ajoute #Bitcoin à son profil, dit du bien des crypto-currencies et annonce ce que Tesla a fait. Il précise même que c’est pour permettre aux acheteurs de voitures Tesla de payer en Bitcoins ! on a beau se pincer, nous ne rêvons pas… en tout cas, en agissant ainsi Musk a catapulté le Bitcoin vers les étoiles !

Que M Musk investisse sur le bitcoin, à titre personnel, c’est son choix. Qu’il en dise du bien, c’est sa liberté. Qu’il utilise son statut de gourou des générations Z, pour ajouter de la fébrilité à un marché qui n’en manque pas, ne peut toutefois qu’amplifier le caractère hautement spéculatif du bitcoin. Qu’il le dise une fois qu’il a acheté 1,5 milliards $ peut surprendre, et rappeler le comportement de certains hedge funds qui, par exemple, vendent une action puis publient une étude négative sur cette valeur, l’envoient à la cave puis rachètent. Qu’il le fasse via la trésorerie de Tesla peut nous faire froncer les sourcils. Qu’il ajoute que c’est pour permettre aux acheteurs de le payer en bitcoins pose de sérieuses questions ou faire éclater de rire!

En effet, pourquoi disposer d’autant de bitcoins en amont d’achats de voitures ? Les acheteurs qui souhaiteraient le payer en bitcoins vont augmenter l’encours de Tesla en Bitcoins, pourquoi alors en acheter avant ? Est-ce pour réguler le cours du bitcoin, éviter sa trop grande volatilité ? comment en effet convaincre un acheteur potentiel de voiture de le payer en bitcoin quand ce moyen de paiement peut évoluer de plus ou moins 10 ou 20% d’un jour à l’autre ? Mais a-t-il le droit d’agir ainsi sur le cours d’un actif comme une banque centrale pourrait, légitimement, le faire ?

En tout cas, en agissant de la sorte, Elon Musk a enrichi, pour le moment, Tesla de plus de 500 millions de $, et, indirectement, mais très fortement, lui-même. Dans son combat avec notre petit libraire de quartier préféré, Jeff Bezos, pour être l’homme le plus riche du monde, Elon Musk dégaine une nouvelle fois. Ces deux milliardaires distancent nettement Satoshi Nakamoto, pseudonyme du concepteur du bitcoin, dont la fortune avoisine seulement les 50 milliards de dollars à présent. Sois dit en passant, bonjour la transparence et le respect des règlementations quand le principal détenteur de bitcoins agit sous un pseudonyme, sans être connu de quiconque…

Au-delà du bitcoin, les agissements d’Elon Musk posent des questions sur la gouvernance de Tesla et sur les risques pris par ses actionnaires. On l’a dit, cette prise de position, dite de « diversification de trésorerie », ne peut qu’amplifier la volatilité du cours de Tesla. Les actionnaires de Tesla peuvent également vouloir acheter des bitcoins, mais ils peuvent le faire sans Elon Musk, en plus des actions Tesla. Pas besoin de lui pour cela. Surtout, Musk ne diversifie pas le risque de Tesla, contrairement à ce qu’il affirme. Placer 8% de la trésorerie d’un constructeur de voitures en un actif aussi volatil et spéculatif amplifie le risque de la société, alors que l’objectif d’une diversification, au contraire, devrait être de le diminuer. Une société qui se paie, à l’instant en tout cas, 1200 fois les bénéfices et 30 fois les ventes 2020 !

Elon Musk peut-il d’ailleurs à présent vendre une partie de ses bitcoins, les siens propres comme ceux de Tesla, sans être accusé d’agir en abus de position dominante ?

Les agissements de Musk sur le bitcoin font écho ce qu’il a déjà fait sur le dossier SolarCity, prochainement jugé par la justice américaine. Musk, ou le côté obscur de sa force, façon Dark Vador… SolarCity, société de deux cousins de Musk dans laquelle ce dernier était aussi actionnaire et au conseil d’administration, au bord du gouffre, aurait été soutenue financièrement par SpaceX puis rachetée par Tesla pour 2,6 milliards de $. Certains actionnaires de Tesla ont porté plainte et se demandent si la situation financière de SolarCity avait été alors correctement présentée par Musk, président de Tesla, actionnaire important, à plus de 20%, de Tesla comme de SolarCity. « En tant que président, directeur technique, directeur général et actionnaire majoritaire de SpaceX, Musk a obligé SpaceX à acheter 90 millions de dollars d’obligations SolarCity en mars 2015, 75 millions en juin 2015 et encore 90 millions en mars 2016. C’est une violation des règles internes à SpaceX, sachant en plus que SolarCity était la seule entreprise cotée en Bourse dans laquelle investissait SpaceX« , accuse la plainte en question. La justice aura à trancher et dire si par ce biais Musk a transformé un investissement dans une société proche de la banqueroute en actions Tesla valant leur pesant d’or, et à présent de bitcoin…

Difficile aujourd’hui de parier contre l’influence sur les marchés de M Musk et surtout sur ses fans qui le considèrent comme Dieu sur Terre, mais est-ce une preuve de bonne santé de nos marchés financiers ou au contraire un signal de plus que les bulles, Tesla comme le bitcoin, exploseront tôt ou tard, et peut être en même temps ? Gardons les pieds sur Terre, rejetons les idoles, et comme disaient les Chevaliers Jedis, fais ce que dois, advienne que pourra…

 

Patrick Pilcer

Conseil et Expert sur les Marchés Financiers

 

 

 

 

 

 

 

Notre indépendance, c’est vous !

Parrainez Opinion Internationale

Une Europe « Homard ». La chronique de Patrick Pilcer

Jour après jour, les actes antisémites se succèdent en Europe, au Canada, aux Etats-Unis. Étudiants attaqués à l’Université St Paul dans le Michigan, passant blessé à New York, véritables guets-apens organisés à…
Patrick Pilcer