Douloureuse comparaison : l’Opéra de Madrid, le fameux Teatro Real, est resté ouvert ces derniers mois pendant que Garnier est désespérément fermé avenue de l’Opéra à Paris.
En matière de politique, les intentions ne comptent pas, seulement les résultats. Et dans la vie aussi, quoi qu’en prétende certaine formule de politesse.
Depuis le début de la crise et des mesures de restriction, l’action et la parole de Roselyne Bachelot, docteur en pharmacie, ressemblent moins à celles d’une ministre de la Culture que d’une ministre de la Santé, poste qu’elle occupait sous Nicolas Sarkozy. D’ailleurs, en 2009, elle avait dû, à ces fonctions, affronter l’épidémie de grippe H1 N1 et s’en était tirée, à ce que l’on dit aujourd’hui, très honorablement. Peut-être aurait-elle mieux servi la nation et la culture, en ces jours de pandémie, si elle s’était vu à nouveau confier ce portefeuille.
En effet, lorsque dimanche dernier, Pierre Niney, ancien sociétaire de la Comédie française, un des meilleurs artistes de sa génération, l’interpellait sur Twitter, dénonçant les incohérences de la gestion de la crise, avec la fermeture depuis cent jours des musées, théâtres et cinémas, tandis que les grands magasins accueillent leur clientèle, que les avions volent à plein, la ministre lui répondait sur BFMTV, maternaliste sur les bords, l’appelant à la patience, jouant la carte de la raison – « On fait des sacrifices » –, promettant d’accompagner la culture et les artistes à la sortie de la crise. Et en attendant ? Rien. Incapable de justifier l’absurdité des choix de son gouvernement dans le domaine de la culture, elle brandissait les chiffres des 80 000 morts, comme si quelqu’un en France pouvait les oublier, argumentant au fond comme la professionnelle de santé qu’elle est en réalité.
Nous avions déjà assisté à un échange twiterrien entre Niney et Bachelot le 11 décembre dernier. Un échange aussi consternant que celui de cette semaine. Niney criant son désarroi, son incompréhension, et Bachelot lui assénant une formule café du commerce : « Ce que nous vivons est très dur » ! Sur Instagram, quant à lui, Guillaume Canet s’était moqué, brillamment, du gouvernement, le 14 janvier dernier, avec le prototype de son avion-théâtre.
Des solutions, il y en a. Et pas seulement des loufoques. L’Espagne en a trouvé et n’a pas hésité à investir pour permettre à son peuple d’accéder à la culture malgré ces temps « très durs » : prise de température à l’entrée des salles de spectacle, réduction de leur jauge, désinfection des lieux aux rayons ultra-violets et, bien évidemment, obligation du port de masques chirurgicaux. L’exemple de l’Espagne a prouvé, si besoin était, qu’il ne s’agissait pas d’une question de santé mais de priorité.
Enfin, que bon nombre de pays aient tous suivi la même ligne erronée que la France ne justifie pas son action. La crise que nous traversons traitée uniquement sur le front sanitaire déshumanise la société. « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins qui mènent à la servitude », disait Albert Camus. En élevant la voix pour défendre la culture, Pierre Niney ne lutte pas seulement pour l’avenir de son métier mais aussi pour celui de notre humanité. Essentiel, non ?
Catherine Fuhg et Michel Taube