C’était il y a un an. Le premier article d’Opinion Internationale consacré au Covid dénonçait les discriminations dont la communauté chinoise de France était victime. Même Le Point avait repris notre édito. Nous en avions tiré à l’époque une campagne de sensibilisation et un logo avec l’association des Restaurateurs chinois de la région parisienne, dont beaucoup d’entre eux, bientôt un an après, souffrent terriblement des fermetures administratives en France et à qui nous adressons aussi nos meilleurs vœux de reprise d’activité au plus vite.
Vœux ? En Occident, c’était en janvier. En Asie du sud-est, c’est maintenant ! Car c’est le Nouvel An chinois qui commence comme le Nouvel An vietnamien (la fête du Têt). C’est le premier jour du calendrier lunaire chinois. Il est déterminé par la deuxième nouvelle lune après le solstice d’hiver, et avant la phase lunaire de l’équinoxe du printemps. Comme les fêtes musulmanes et juives, également basées sur un calendrier lunaire, la date du Nouvel An chinois est donc variable, d’une année à l’autre.
La fête dure deux semaines, et annonce également le retour du printemps, même si la diaspora chinoise de la moitié nord de la France pourrait en douter, vu le froid de canard (laqué) du moment.
Chaque année chinoise est symbolisée par un animal. Celle qui vient de s’achever fut dédiée au rat. Celle qui commence aujourd’hui est celle du buffle. Le buffle de métal, même ! Symbole de puissance et de détermination. Parfois d’emportement.
Il n’en faudra pas trop pour affronter les problèmes auxquels la Chine risque d’être confrontée, car si elle sort renforcée, car moins affaiblie que le reste du monde, de la première crise planétaire de la Covid (y’en aura-t-il d’autres ?), la récession économique qui a commencé à frapper ses principaux clients et les pressions d’un nombre croissant d’économistes pour ne pas honorer la dette publique (rappelons que la Chine est le premier créancier des États-Unis) sont de nature à ternir quelque peu la fête. Mais il n’en sera probablement rien, quand bien même Joe Biden aurait-il souhaité la bonne année à son homologue Xi Jinping, en le tançant sur les Ouïghours et Hong Kong.
Car le Nouvel An, c’est d’abord celui des Chinois, et personne ne le leur volera !
Cette année, en Chine, le Nouvel An sera pourtant des plus tristes : les dizaines de millions de migrants, venus des régions ouest de la Chine pour faire tourner les usines des côtes chinoises, ne pourront rentrer chez eux et effectuer leur seule visite annuelle à leurs familles. Face à la recrudescence de clusters dans plusieurs provinces, et bien plus qu’en 2020, les frontières internes du pays sont fermées. Nos vœux pour le Nouvel An vont donc aussi à ces millions de premiers de cordée chinois qui sont la sueur de la nouvelle Chine et qui sont empêchés de rejoindre leurs familles cette année.
Car ces quinze jours de fêtes sont un peu comme notre trêve des confiseurs, entre Noël et le jour de l’An.
Pierre-Vincent Cools, co-fondateur de « Bridging solutions », entreprise vendéenne qui facilite les opérations d’achat à l’international, notamment en Chine et en Inde, insiste : « Le Nouvel An chinois est une période sacrée pour les Chinois. Pour un partenaire chinois, recevoir des relances de la part de leurs donneurs d’ordre français et occidentaux sera perçu comme un manque de respect, même s’il ne vous le dira pas. Imaginerait-on un directeur des achats d’une PME française dérangé le 25 décembre à 11h30 en pleine cuisson de la dinde familiale par un fournisseur basé à Shenzhen ? » Connaître et comprendre la culture chinoise, telle est la première marche vers le succès en Chine, comme nous le confiait en 2018 l’expert Jérémie Ni.
Traditions chinoises
Le nouvel An, c’est une fête de famille, une fête de joie, symbolisée par les danses traditionnelles du dragon et du lion dans les rues de Chine et partout où sont implantées des communautés chinoises. Les Chinois adorent les pétards et les feux d’artifice, et le Nouvel An est l’occasion suprême pour s’en délecter (dans les limites fixées par les pouvoirs publics, bien sûr !).
On se délecte aussi et on se régale d’excellents plats préparés pour les repas de famille, chaque plat ayant une signification propre. De nombreux restaurants, y compris en France, sauf en cette triste année de confinement, sont à l’avenant, préparant des plats à emporter, en cette période de couvre-feu. Le Nouvel An chinois est aussi une fête gastronomique, et l’occasion de déguster quelques spécialités de ce qui est toujours considéré comme une des meilleures cuisines du monde, voire l’équivalent asiatique de la cuisine française (avec les Japonais, les Italiens et quelques autres).
L’analogie avec les fêtes de fin d’année d’essence chrétienne se poursuit avec la décoration de la maison. En Chine et dans les quartiers chinois hors de Chine (Paris en compte plusieurs, notamment dans le 13ème arrondissement et à Belleville), les décorations sont aussi publiques : les rues, les bâtiments, les portes des habitations sont ornées de lanternes, de papiers et tissus calligraphiés, majoritairement rouges, la couleur de la prospérité.
Et bien entendu, la fête est aussi l’occasion de s’échanger des présents, dont le plus apprécié, surtout par les jeunes, est une enveloppe rouge contenant une somme d’argent (un cadeau que personne n’ira revendre sur le Bon Coin !). Modernité oblige, la tendance est de transférer le présent par voie électronique, en particulier la messagerie chinoise Wechat, qui n’a rien à envier à ses concurrents américains (pour les équivalents français, il faudra encore attendre !).
L’occasion enfin de faire des vœux : Pierre Elmalek et Erwan Donval, PDG et DG du groupe Maison de la Literie, partenaire de notre Saga du Lit dominicale, en adresse un à leur partenaire chinois, Monsieur Wang Bingkun, président du groupe de Rucci : « en 2020, le cooronavirus nous a empêchés de venir vous saluer à Dongguan, et pour vous de nous rendre visite à Paris. Ce qui ne nous a pas empêchés de continuer à développer notre partenariat gagnant – gagnant qui fait de Maison de la Literie une marque française et aujourd’hui mondiale. Que ce Nouvel An chinois soit l’occasion d’espérer que 2021 nous permette enfin de nous retrouver physiquement, vous et vos talentueuses équipes ! »
A son tour, chers amis chinois et vietnamiens, l’équipe d’Opinion Internationale vous souhaite une excellente année, année de joie, de prospérité, de paix et, plus que jamais, de bonne santé ! Soyons tous déterminés comme un buffle pour écraser le Covid car, plus que jamais, disons-le haut et fort, et comme nous l’avions écrit en mars 2020 en mandarin, c’est ensemble que nous vaincrons le coronavirus. Ensemble par la prévention plus que par le confinement, conception somme toute inspirée de la médecine chinoise, centrée sur le care plus que sur le cure.
Michel Taube