Selon les oiseaux de malheur, il est déjà trop tard pour éteindre le feu du réchauffement climatique et sauver la planète de l’océan de plastique qui menace de nous engloutir. Ils préfèrent tendre leurs micros vers l’horloge de l’Apocalypse et amplifier l’écho de son tic-tac menaçant de bombe à retardement. D’après leurs calculs savants, le 27 janvier dernier, il nous restait cent secondes jusqu’à la fin du monde. De quoi nous filer les chocottes, même si nous n’ignorons pas qu’il s’agit d’un temps symbolique.
Certains poussent le bouchon plus loin. Pour eux, nous aurions dépassé le point de non-retour. Ainsi, nous fonçons dans le mur. Et ?… Et rien. Nous fonçons dans le mur, ni freinage ni braquage n’y pourront rien changer. Le moment est donc arrivé de faire sauter les pop-corn, de lâcher le volant et projeter dans nos cerveaux le film de notre vie. Ou de prier, pour ceux qui savent. Mais pourquoi donc, grand dieu, pourquoi ?!!!! Que pensent-ils susciter en nous condamnant sans espoir ? Un élan de conscience aussi soudain que vain ? Comme s’il existait parmi nous des saints qui continueraient à trier les ordures, consommer propre et moins, réduire leur facture d’énergie et compter les calories – pour les saints au régime – bien que croyant l’issue fatale inéluctable !
Rassurez-vous, heureusement, j’ai l’intention de vous parler d’un oiseau d’une autre espèce. D’une jeune femme qui s’attaque, goutte après goutte, à l’incendie. Et qui, en décembre 2020, s’est vu décerné le titre, avec six autres « colibris », de Young Champion of the Earth par les Nations unies et son programme pour l’environnement.
Il y a trois ans, Nzambi Matee, jeune ingénieure diplômée de physique appliquée, abandonne la sécurité de son poste de salariée pour oser l’entreprenariat. Elle ne supporte plus les visions de plastique auxquelles à Nairobi, sa ville, nul ne peut échapper. Dans la capitale kenyane, le plastique borde les routes, jonche les rues, partout. 500 tonnes de plastique y sont jetées quotidiennement. Mue par le désir, le besoin, d’impacter cet environnement, Nzambi décide de se lancer sans autre parachute que quelques économies. Âgée alors de vingt-six ans, elle met sa vie sociale sur pause et installe son atelier dans l’arrière cour de sa mère. Elle s’est donné une année pour penser une solution, pratique et praticable, deux adjectifs essentiels en Afrique, explique-t-elle. Praticable, c’est-à-dire financièrement réaliste et durable.
Les chemins de l’innovation sont pavés de bonnes intentions, pas seulement l’enfer – et toc pour les oiseaux de malheur. C’est ainsi qu’elle développe l’idée de briques en plastique recyclé. Elle étudie les matériaux et différents alliages afin de parvenir au meilleur résultat possible et construit elle-même les machines qui tournent dans son usine. Enfin, son projet se distingue par deux principes originaux : la collecte gratuite des déchets de plastique, une première à Nairobi, et l’utilisation de morceaux considérés irrécupérables par les autres.
Son entreprise aujourd’hui emploie cent dix personnes. Depuis son lancement, vingt tonnes de déchets plastiques y ont été recyclées. Loin des cinq cents tonnes quotidiennes que produit Nairobi, cependant Mzambi croit en l’impact de son action non seulement sur l’environnement mais aussi sur les esprits. Elle sait que d’autres la rejoindront, dans son pays d’abord, dans toute l’Afrique, ensuite. Et pourquoi pas ailleurs encore ? Elle s’emploiera jusqu’au bout à repousser le mur vers lequel nous fonçons – elle et tous les battants de sa génération.
Catherine Fuhg