1969 : peut-être la plus grande année du pop-rock : apothéose des Beatles, maturité des Rolling Stones, éclosions ou confirmation des Led Zeppelin, Pink Floyd, Hendrix, Bowie, et tous ceux qui écriront la musique classique du 20ème siècle. La France est passée à côté de la Beatlemania (on avait aussi notre Ringo, mais c’était le mari de Sheila !). La Gaule, avec sa variétoche ringarde (quoi, nous aussi, on a nos rockers : Dick Rivers et Johnny !) n’est pas vraiment dans le coup. Toute la Gaule ? Non, car un irrésistible Gaulois, non seulement résiste, mais réussit l’exploit incroyable d’être en tête des charts britanniques (nous disions « hit parade ») durant toute une semaine en octobre 1969, devant les dieux Beatles et tous leurs saints ! « Je t’aime moi non plus » : les Anglais ont beaucoup aimé, même si Jane Birkin, la compagne so british de notre Assurancetourix (le barde dans Astérix), y a mis son grain de beauté.
Années 1980 : la new wave déferle sur le monde, sans oublier la France, cette fois. Notre variété évolue (Renaud, Goldman, Cabrel, Chamfort…), mais clairement, tout cela ne tient pas franchouillardement la route face aux stars anglo-saxonnes : Prince, Mickael Jackson, Queen, Madonna, Bruce Springsteen, et toujours David Bowie et les Stones (les pierres roulent encore en 2021 !) et tous les nouveaux venus : Police, Talking Heads, U2, Dire Straits, Eurytmics, Joy Division, The Cure, Depeche Mode, et tant d’autres qui participent à cette explosion créative.
Et qui, en France, est encore au sommet de la nouvelle vague ? Serge Gainsbourg ! Dans son attitude, ses provocations, sa musique, il est plus rock’n’roll que jamais, comme Coluche dans un autre registre. Certes, Gainsbourg, qui deviendra Ginsbarre, alcool et Gitane sans filtre, n’est plus seul : les Rita Mitsouko, dont le second album est produit par Tony Visconti (producteur de David Bowie), entrent dans la cour des grands. La petite histoire retiendra un échange télévisé musclé entre le grand Serge et celle qui est en passe de devenir la grande Catherine (Ringer). Téléphone est considéré comme les Stones français (ouais !). Indochine incarne la new wave hexagonale (re ouais)…
Serge Gainsbourg fut chanson française à la fin des années 50 (le poinçonneur des Lilas) avant de glisser vers la pop subversive dans les années 60 (Bonnie and Clyde, Initial B.B….), puis le reggae dans la seconde partie des années 70 (Aux armes et cætera…) et enfin le rock dans les années 80 (Love on the Beat…). Toujours entouré des meilleurs musiciens, toujours inventif, subversif, toujours rock’n’roll : la provoc avec le billet de 500 francs brûlé en direct devant les yeux (maginifiques) écarquillés d’Anne Sinclair, la Marseillaise revisitée chantée devant des paras, le sexe encore et toujours (Whitney Houston : « I want to fuck her »).
Mais surtout, Serge Gainsbourg fut un génie de la musique, un magicien des mots, un poète, accessoirement un acteur et même un réalisateur… Trop prolifique pour ne pas en faire profiter d’autres : Brigitte Bardot, France Gall, Petula Clark, Dalida, Claude François, Françoise Hardy, Jane Birkin, Alain Chamfort, Alain Baschung, Isabelle Adjani, Étienne Dao, Vanessa Paradis… Tous ont chanté du Gainsbourg, paroles et musique. Parfois inspiré par la musique classique, il laisse une œuvre immense, riche en chefs-d’œuvre intemporels.
Serge Gainsbourg est mort le 2 mars 1991 à son domicile du 5 bis rue de Verneuil dans le 7e arrondissement. Il n’avait que 62 ans. Son cœur n’a pas résisté tous ses excès. Il a fini par casser sa pipe, comme il disait, à avoir brûlé la vie par tous les bouts. Mais il est et restera parmi nous au travers de son œuvre, et plus encore, puisque son domicile parisien deviendra un musée. Il devait être inauguré le 2 mars, pour les 30 ans de sa mort, mais la crise sanitaire en a décidé autrement.
Que dire de plus ? Rien. Juste écouter Serge Gainsbourg…
Marginal Ray
Auteur, compositeur, conteur…
« Je te hais mon amour : » Inspirée par « Je t’aime moi non plus » de Serge Gainsbourg