C’est au nom du peuple français que la justice rend ses décisions. D’une enquête de l’IFOP réalisée en octobre 2019 ressortait que la moitié des Français n’avait pas confiance en la justice. Et si l’on en croit la « dynamique des sondages », comme disent les sondeurs, elle est même sur pente très glissante.
Au nom du peuple français, les juges feraient souvent montre d’un laxisme idéologique à l’égard de la délinquance des cités, usant et abusant de l’excuse sociale, voire ethnique : pauvre et discriminé, donc innocent, si ce n’est victime. Il est vrai que lorsque Evelyne Sire-Marin, membre et ancienne présidente du syndicat de la magistrature, manifeste aux côtés de l’extrême gauche et d’organisations islamistes, non pas contre le racisme antimusulman, mais contre le droit de critiquer les dérives radicales de l’islam politique, elle s’en fait la complice. Elle sort de son obligation de neutralité politique que sa fonction de magistrate devrait lui imposer.
Certes, la faillite de la chaîne pénale n’est pas que l’affaire des juges mais aussi celle de la justice elle-même : prisons, centres éducatifs fermés, alternatives dissuasives à l’incarcération, moyens pour la réinsertion… On manque de tout et partout.
Après Fillon, les juges éliminent Sarkozy de l’échiquier politique. À moins que…
Au nom du peuple français, les juges se doivent d’êtes équitables.
Contre Nicolas Sarkozy, des moyens dignes de la lutte contre le terrorisme ou le grand banditisme ont été déployés pour arriver à un « faisceau d’indices » obtenu, avec l’aval de la Cour de cassation (qui n’est qu’un maillon de cette chaîne en déliquescence) en violation du droit au procès équitable (violation du secret professionnel de l’avocat) sacralisé par la Convention européenne des droits de l’Homme. L’affaire viendra sans doute un jour devant la Cour européenne des droits de l’Homme.
Grosso modo, Nicolas Sarkozy a été condamné pour avoir dit à un magistrat qu’il allait toucher un mot au Prince de Monaco pour que l’un de ses confrères puisse y faire quelques vacations. Aucune contrepartie n’a été démontrée, et lesdites vacations n’ont jamais été faites, l’ancien président n’ayant effectué aucune démarche en ce sens. Ni corruption ni enjeu financier, rien qui ne pouvait justifier un tel acharnement avec de tels moyens. Dans l’esprit, c’est un peu comme si l’ami d’un juge lui demandait s’il pouvait obtenir un stage au tribunal pour sa fille ou son fils. Mais admettons que ce soit illégal, parce qu’il y aurait eu quelque part un échange de bons procédés ou une contrepartie, certes subodorée et non démontrée. Verdict : trois ans de prison ! Un président doit être exemplaire, n’est-ce pas (comme un juge ?) ? Comment ne pas évoquer un verdict politique ?
Les juges veulent la peau de Nicolas Sarkozy depuis qu’il les a traités de « petits pois ». Il les a méprisés, sans doute à tort, car la dérive de quelques-uns, certes plus qu’une poignée, et l’invraisemblable manque de moyens de la justice dans son ensemble ne justifient pas que l’on jette l’opprobre sur toute une profession. Mais conduire des procès politiques pour nourrir une rancœur ou une vengeance décrédibilise dangereusement l’institution.
Au nom du peuple français, les juges ont-ils eu la peau de Nicolas Sarkozy ? Ou plus précisément, ont-ils mis fin définitivement à sa carrière politique ? Pas sûr. Ce pourrait même être le contraire. Aux États-Unis, le retour de Donald Trump sur la scène politique fut tonitruant et facilité par l’acharnement des démocrates à destituer un président qui ne l’était plus. Absurde ! Il faudra sans doute compter sur Trump dans quatre ans.
Nicolas Sarkozy ne peut espérer revenir au pouvoir que comme recours ultime en cas de désastre conduisant à une crise politique majeure. Elle ne se produira pas avant la prochaine élection présidentielle, grâce au « quoi qu’il en coûte » marconien. Mais après, la France pourrait devenir ingouvernable, peut-être même après les législatives de l’an prochain. Si le lauréat de 2022 ne pouvait aller au bout de son mandat, l’acharnement des juges contre Nicolas Sarkozy pourrait renforcer sa position de martyre et d’ultime recours.
Le Parquet financier de Paris avait déjà empêché François Fillion d’être président de la République en 2017. Sans doute n’était-il pas le chevalier blanc de la vertu dont il se para de l’armure. Il fit ce que firent tant d’autres, de tous bords, ce qui ne vaut pas excuse. Mais l’extraordinaire célérité de la justice n’eut d’autre objectif que de lui barrer la route de l’Élysée. Nul besoin, pour ces juges politiquement marqués (ou qui détestent le pouvoir politique) de recevoir des ordres ou des incitations du pouvoir exécutif. Ils voulaient se faire Fillon (nous y reviendrons) comme ils se font aujourd’hui Sarko. Edwy Plenel n’a pas davantage besoin de recevoir d’instruction de Jean-Luc Mélenchon pour choisir ses proies.
Au nom du peuple français, ou de sa corporation, de son idéologie ?
Le corporatisme des juges devient insupportable : dès que le politique veut les empêcher de juger, non pas au nom du peuple, mais au leur nom, en celui de leur corporation ou de leur idéologie, ils crient à l’atteinte à la séparation des pouvoirs. Mais ils ne sont pas un pouvoir, aux termes de la Constitution.
Les juges constituent une autorité, qui chaque jour, perd un peu plus de son autorité, parce qu’elle ne représente plus le peuple au nom duquel elle rend ses sentences. Et lorsque l’on veut la montrer du doigt, dénoncer non pas l’État de droit, mais l’atteinte à l’État de droit par ceux qui sont censés l’incarner, la justice se cambre, se braque, parfois se venge. Se venger sur qui ? Aujourd’hui, elle ne saurait plus où donner de la tête, tant les Français ne lui font plus confiance. Aujourd’hui, on reproche au gouvernement de gérer la crise du Covid dans la peur de poursuites judiciaires. Il est vrai que des ministres et anciens ministres, dont Édouard Philippe, ont déjà eu droit à une perquisition, et que des plaintes ont été déposées (du moins annoncées) à propos de la stratégie vaccinale.
Ce pouvoir d’influencer l’action politique doit être retiré à la justice.
Les affaires politiques ne sont que la partie immergée de l’iceberg. Ici, un juge aux affaires familiales décide qu’un enfant en bas âge doit systématiquement vivre avec sa mère, même défaillante, alors que ce critère ne figure pas dans la loi. Là, un conseil de prud’hommes considère que le patron d’un salon de coiffure peut appeler ses employés « pédé ». Le seul risque pris par le juge est de voir sa décision invalidée par la Cour d’appel. Les juges n’ont de compte à rendre à personne, le conseil supérieur de la magistrature étant un organe interne dont on ne peut attendre aucune impartialité.
Au nom du peuple français, il faut mettre fin à l’irresponsabilité des juges
L’irresponsabilité des juges conduit à une justice rendue non pas dans la sérénité, mais dans l’insouciance, l’indifférence, si ce n’est dans le mépris du justiciable. Le juge fait ce qu’il veut, ce que la matière juridique permet, le droit étant par essence sujet à interprétation. Certains juges n’aiment pas les hommes ou les femmes, d’autres n’aiment pas les policiers, les commerçants ou les médecins… Cela peut même être pire, mais toujours dissimulé (sauf en 1940).
Les juges doivent rendre des comptes au peuple
Au nom du peuple, il faut mettre fin à cette toute-puissance et à l’irresponsabilité des juges. Ils doivent avoir des comptes à rendre, non pas au pouvoir exécutif, mais au peuple au nom duquel ils jugent. Or qui représente mieux le peuple que celui qui est élu pour faire la loi : le Parlement, ou plus pragmatiquement une institution qui en émane. Elle existe : la Cour de justice de la République. Ses compétences devraient être étendues, pour qu’elle devienne le Conseil de prud’hommes de la magistrature, quitte à modifier la Constitution à cet effet.
Hélas, Emmanuel Macron a compris la leçon que les juges ont donnée à Fillon et Sarkozy. Il sait très bien que celui qui cherche trouve toujours quelque chose, surtout avec l’aide de Mediapart, et n’a pas envie de rendre des comptes aux juges qui voudraient se venger de lui. Il sera donc docile.
Mais cette soumission du politique au juge est aussi dangereuse pour une autre raison. Certains fustigent l’État de droit, alors que c’est l’État des juges qu’il faut combattre. L’alternative à l’État de droit est la toute-puissance du pouvoir exécutif, la loi du plus fort, possiblement la dictature. L’extrême droite, l’extrême gauche et l’islam politique ont en commun de vouloir abattre l’État de droit. Les magistrats leur en donnent hélas un excellent prétexte.
« J’ai confiance en la justice de mon pays ». Combien de justiciables, de prévenus n’ont-ils récité cette formule avant d’entrer dans l’arène (l’abattoir ?) judiciaire ? Le fait que les Français ne soient aujourd’hui plus majoritaires à faire leur cette formule devrait être entendu comme le tocsin pour cette magistrature sourde à toute critique.
L’Etat de droit contre l’Etat des juges, tel est le dilemme.
Michel Taube