Qu’il est beau l’amour éternel ! Pour le meilleur et pour le pire. Ce qui est à moi est à toi. Mi casa es tu casa. Du moins, en théorie. En pratique, certains tiquent sur le partage des comptes bancaires, de leur dessert au restaurant ou de leurs brosses à dents, plus ou moins ouvertement, mais le lit, c’est tabou, du moins les premiers temps. Comment avouer à l’autre, notre cher, tendre et unique, à qui l’on a promis de traverser ensemble les épreuves avec courage, qu’une fois l’affaire conclue, on préfèrerait qu’il dégage de sous nos drap et couverture, pour rejoindre ses quartiers, sinon dans une pièce éloignée, au moins sur un autre sommier ?
Parce que dormir sur une même couche est un sacré challenge. Si le concept de chambre à part manque cruellement de sex appeal et aussi de romantisme, question confort de sommeil, excusez, mais y a pas photo. Je me demande d’ailleurs ce que donnerait un sondage sur le nombre de ruptures dont les lits partagés et leur comptant d’insomnies seraient à l’origine.
Citons pour commencer, une injustice avérée dans la dynamique des couples, en matière de sommeil : c’est toujours celui qui ronfle comme une locomotive qui s’endort en premier. Pour le partenaire silencieux – le plus souvent la partenaire – dormir près de l’être cher revient à passer la nuit à écouter siffler ou rugir ses narines. Les plus chanceux qui sont parents migrent vers le lit de leurs enfants, les prétendant sujets à des terreurs nocturnes. Une stratégie moins dangereuse pour la paix du ménage que celle de se réfugier avec couette et oreiller sur le canapé du salon ou enroulé sur deux tours dans la corbeille à chien, au risque d’être découvert chiffonné au petit matin.
Dans ce genre de situations, notre destin réside entre les menottes du destin (menottes dans tous les sens du terme). En revanche, dans d’autres cas, la qualité de la literie peut nous sauver du pire.
Ainsi, il n’y a pas si longtemps, pour les petits gabarits, dormir en couple comportait des dangers non répertoriés dans les contrats de mariage. Un mouvement de travers du plus corpulent des deux, et l’autre se trouvait emporté dans un glissement de terrain, risquant de se faire écraser. Mais maintenant, il est possible d’échapper à la catastrophe, grâce à la présence d’esprit des fabricants de matelas qui ont lancé sur le marché des matelas couple d’un nouveau genre. Séparés au milieu pour un meilleur sommeil – avec, de chaque côté, un garnissage adapté aux sensibilité et morphologie du dormeur – et solidaires pour permettre les retrouvailles plus sportives.
Les tailles de nos matelas aussi ont évolué – les lits doubles affichaient une largeur standard de 140 centimètres, il y a cinquante ans, pour 160 à 200 aujourd’hui – diminuant drastiquement les risques de collision.
Désormais, donc, nuit partagée ne rime plus fatalement avec sommeil foutu.
Catherine Fuhg