Les faits sont passés presqu’inaperçus, mais en février dernier, la Chine a menacé de réduire ses exportations de terres rares, essentiellement vers les Etats-Unis. La Chine avait déjà brandi la même menace au début du mandat Trump. Elle réitère cette menace au début du mandat Biden, en ciblant plus particulièrement les besoins de l’industrie américaine de l’armement, et en analysant les réponses que les Etats-Unis vont mettre en place pour palier à cette pénurie probable.
Que sont ces fameuses terres rares ? Ce sont dix-sept minerais aux propriétés chimiques assez proches, le cérium, le dysprosium, l’erbium, le scandium, l’yttrium, etc, utilisés en petites quantités mais indispensables à la fabrication de composants électroniques ou de technologies phares de la transition énergétique. Les appareils à résonnance magnétique, IRM, certaines turbines d’éoliennes, certains moteurs électriques, les téléphones portables, etc… en ont besoin. Tout comme les radars et les sonars des armées.
En créant une pénurie sur ces terres rares, la Chine tente indirectement de stopper la production des nouveaux avions de combat américains, les F35, appareils qui regorgent de composants ultra-sophistiqués, et donc de terres rares, un peu plus de 400kg par appareil. La Chine observe à présent comment les grands pays, et en particulier les Etats-Unis, réagissent. Et il faut savoir qu’entre la découverte d’un gisement et sa mise en production industrielle, il faut compter une vingtaine d’années, une éternité dans les relations Chine / Reste du Monde.
La Chine n’a certes pas le monopole des terres rares ; elle doit détenir un tiers des gisements recensés, mais elle a près de 90% de leur production actuelle. Car, à aujourd’hui, la production de ces terres rares entraîne des conséquences environnementales importantes, rédhibitoires dans la plupart des pays, pas en Chine. Les Etats-Unis, l’Australie, le Canada, le Brésil, certains pays d’Afrique de l’Ouest comme le Gabon, l’Asie du Sud Est, et même la France en Polynésie disposent de gisements conséquents. Mais la sauvegarde de l’environnement prévaut.
Il s’agit là d’un des sujets majeurs des années à venir. Après les révolutions industrielles du XXème siècle, liées au moteur à explosion, au développement du plastique et à l’électricité, nous avons réussi tant bien que mal à sortir de la dépendance aux énergies fossiles, à l’or noir et au Moyen Orient, il ne faudrait pas à présent, au début de la nouvelle révolution industrielle qui se met en place, tomber dans la dépendance aux terres rares et à la Chine.
C’est bien sûr également un sujet majeur pour notre pays. Si nous voulons participer à la croissance des secteurs économiques phares de demain, de la transition énergétique aux composants électroniques, des moteurs électriques des futurs véhicules aux objets connectés liés à la 5G, et si nous ne voulons pas rester en rade, en marge du monde de demain, il nous faut mettre en place une filière Terres Rares, allant de l’exploration et la production les plus respectueuses de l’environnement possible à la récupération, au recyclage. Il est encore temps d’éviter un choc lié au prix des terres rares comme furent les chocs pétroliers des années 70.
En nous positionnant très vite sur ces domaines, nous pourrons diminuer fortement notre dépendance à la Chine, améliorer notre Souveraineté économique, mais aussi permettre le développement économique de nos territoires dans le Pacifique et en Océanie. Nous pourrons aussi redevenir un partenaire économique important de nos amis Africains, que nous abandonnons trop souvent aux appétits chinois et américains.
Patrick Pilcer
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