11 mars 2011, Fukushima. 11 mars 2021, Covid. Quel rapport, voyons ?
C’était il y a dix ans déjà : un séisme et un tsunami firent plus de 18.000 morts et disparus. Pire, le système de refroidissement principal de la centrale nucléaire de Fukushima cessa de fonctionner, avec pour effet la fusion des cœurs de trois réacteurs, la surchauffe de la piscine de désactivation d’un quatrième réacteur et la panne des groupes électrogènes de secours. Plusieurs explosions engendrèrent des nuages radioactifs. Autour du Premier ministre s’organisa un état-major de crise. Rien ne fut parfait, mais la logistique japonaise démontra son efficacité. En octobre 2020, un tribunal pointa la responsabilité de la compagnie d’électricité Tepco et celle du gouvernement japonais, non pas pour sa gestion de la crise, mais pour la sous-évaluation du risque sismique.
En France, les failles du système centralisé et jacobin de notre Etat ont été révélées au grand jour par la crise du Covid : le manque d’agilité, les lourdeurs et les échecs de l’Intendance, les petits et grands mensonges de la puissance publique ont causé de nombreux morts dans notre pays.
Mais que se passerait-il en cas d’accident nucléaire ?
Quelle question, voyons !
En France, tous les acteurs du nucléaire, EDF en tête, chantent en cœur que cela ne pourra JAMAIS se produire chez nous. Un séisme : jamais ! Une tempête ou autre phénomène climatique : jamais ! Un avion ou un corps céleste qui s’écrase sur une centrale : jamais ! Un attentat terroriste : jamais ! Une fuite due à une erreur humaine, une défaillance matérielle, une grave fissure sur une cuve vieillissante : jamais ! Mais on a fermé la centrale de Fessenheim, alors que d’autres sont prolongées au-delà de la date initialement prévue. Cherchez l’erreur !
Quand on observe les couacs à répétition dans la gestion de l’actuelle crise sanitaire, on ne peut s’empêcher de songer à ce qu’il adviendrait en France, en cas d’accident nucléaire majeur, d’une tout autre ampleur que les accidents que nous avons connus dans des sites chimiques, comme l’usine Lubrizol de Rouen en 2019 et AZF à Toulouse le 21 septembre 2001.
« Nous sommes en guerre », clama Emmanuel Macron lorsque la pandémie de Covid s’abattit sur la France. Heureusement que non ! Certes, les mots ont plusieurs sens, ou du moins plusieurs degrés…
Si un événement aussi soudain et violent qu’un accident nucléaire majeur survenait en France, il n’y aurait que trop de raisons de redouter une débandade aggravant la catastrophe. D’abord, on nous a beaucoup menti, le mensonge devant être distingué de l’erreur, légitime lorsqu’elle n’est pas réitérée. Le coronavirus a cueilli la planète à froid, sauf peut-être en Asie, où l’on a la culture des épidémies. Avec « le masque est inutile et même dangereux », on a plutôt fait du Tchernobyl (« nos vaillants douaniers ont arrêté le nuage radioactif » à la frontière allemande) que du Fukushima ! Mais après tout, il est d’usage de mentir en période de guerre. Il ne faut pas casser le moral des troupes ni celui du peuple. Bien que nous n’ayons plus nos vaillants douaniers pour arrêter le virus, on nous promettait qu’il contournerait notre beau pays. À en croire quelques-uns, on aurait même dû en faire encore moins, en janvier 2020 : « Il y a trois Chinois qui meurent et ça fait une alerte mondiale », déclarait alors le professeur Didier Raoult.
Passons sur le début de la crise Covid, où le mensonge côtoyait l’absurde (on ferme les restaurants et les théâtres le 14 mars, mais on nous convie à voter aux municipales le lendemain), avec la caution du Conseil scientifique et d’un Jérôme Salomon, Directeur général de la Santé, qui égrainait chaque jour le nombre de morts, sans jamais le rapporter à la population de chaque pays, dissimulant un bilan sanitaire parmi les pires de la planète.
Après, et jusqu’aujourd’hui, ce furent les défaillances logistiques qui se succédèrent. La fonction publique est une armée en déroute. Une armée mexicaine, car chacun, ou presque, est sous-chef de quelqu’un et de quelque chose. Désordres de l’intendance qui se vivent encore aujourd’hui, comme en témoigne l’alerte lancée par la Fédération Nationale des Infirmiers qui réclame un nouveau plan de vaccination.
La catastrophe nucléaire de Fukushima est encore dans nos mémoires. Pire, elle est une boule de cristal dans laquelle on peut lire notre possible ou probable avenir nucléaire. Avec le vieillissement des centrales et l’omerta chronique sur tout ce qui touche au nucléaire, il est quasi impossible que le pays le plus nucléarisé du monde ne soit pas, tôt ou tard, victime d’un accident nucléaire majeur. Dans cette hypothèse, la réactivité des pouvoirs publics et de l’administration, et l’efficacité de la logistique seront vitales pour limiter les dégâts humains, par exemple s’il faut évacuer de vastes territoires. Avec l’état d’esprit qui règne dans nos administrations, on peut s’attendre à ce qu’un ordre d’évacuation soit précédé d’une étude devant être validée par une douzaine d’organismes publics, et suivie d’un rapport de 1000 pages remis au président de la République qui en demandera l’analyse… aux organismes qui l’ont rédigé. En France, la bureaucratie est une pathologie, mais les patients étant en l’espèce les médecins, ce n’est pas demain que l’administration s’autoguérira.
Il y a dix ans, le Japon, et pas seulement, passa tout près du pire. Avant Fukushima, il y eut notamment Tchernobyl en 1986 et Three Mile Island en 1979, qui firent trembler la planète. Mais en réalité, il y eut bien plus d’accidents nucléaires, y compris en France : Saint-Laurent-des-Eaux en 1969 puis en 1980, la Hague en 1981, Blayais en 1999 (à la suite d’une tempête), le Tricastin en 2014. À quand le prochain ?
En Allemagne, le choix politique a été fait de sortir du nucléaire à la suite de la tragédie de Fukushima. Qu’a fait la France ? Ne serait-ce qu’en matière de sécurité nucléaire. Une communication transparente, honnête et indépendante, des exercices réguliers d’entraînement des populations seraient les bienvenus !
Les bégaiements incessants auxquels a donné lieu la crise du Covid doivent servir de leçon, non seulement pour gérer la suite de la crise sanitaire (vaccination généralisée, rebond économique…), mais aussi pour anticiper d’autres catastrophes qui pourraient être bien plus dramatiques.
Michel Taube
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