Comme des millions d’humains dans le monde, Anne Bassi, chroniqueuse littéraire d’Opinion Internationale, n’en fait pas un roman. Mais elle nous confie, après avoir contracté cette sale bête qu’est la Covid combien ses sens lui manquent…
« Depuis 4 jours, je vis sans goût ni odorat. Je m’en suis aperçue par hasard. Et ce sont ces symptômes qui ont fait que je suis allée me faire tester car je n’avais ni fièvre ni problème respiratoire.
J’ai testé mon nez et mon palais. J’ai senti du baume du tigre, cet onguent chinois qui sent très fort. Après, j’ai senti de l’acétone. De même, rien, aucune odeur.
Très vite, cette « expérience » vous impose un exercice sur la mémoire : ai-je gardé les odeurs des choses, de la Javel, d’une pomme, de mon parfum ? Je les ai oubliées. Les gens n’ont plus d’odeur. L’odeur de ma fille me manque.
Côté goût, ça coupe l’appétit. Je n’ai plus faim. Ce qui veut bien dire que l’on mange par gourmandise et non par besoin. Je ne bois plus de café, ni de thé, juste de l’eau. Heureusement, je sens tout de même dans ma bouche le chaud et le froid.
Je comprends que certains puissent en faire une dépression ! Seuls chez eux, sans les plaisirs du goût et de l’odorat, les gens perdent leurs repères. Ils peuvent aussi perdre le goût de la vie !
Moi aussi, je me sens un peu perdue. Mais je le vis comme une expérience. Manger n’a jamais été pour moi un plaisir fou. Mais ceux pour qui boire un très bon vin, déguster une bonne sauce réveillent les papilles doivent le vivre comme un drame. J’imagine que les nez dans le monde des cosmétiques, les œnologues dans le vin, si certains ont perdu l’odorat, ils doivent vivre en enfer.
Vivre avec le Covid, c’est (apprendre à) vivre sans trop de saveurs. Heureusement j’ai d’autres plaisirs : mon travail qui me passionne, mes livres qui sont ma vraie nourriture, ma famille qui m’entoure. »
Propos recueillis par Michel Taube