Au début du printemps, on ouvre les fenêtres qu’on a tenues fermées pendant l’hiver entier ou presque. On range les pulls et les manteaux sur les étagères du haut, et on descend le linge d’été, marcels et décolletés. Et puis, dans la foulée, on retourne son matelas, et on se jette dessus avant de l’habiller d’un drap. Puis, allongé lascivement, les yeux plissés vers le soleil, on remue le bout du nez pour humer son odeur. Et pour s’en délecter. Comment ça, le soleil n’a pas d’odeur ? N’avez-vous donc jamais senti son air de « vacances bientôt » ? Volatile, un peu iodé ?… D’une main étourdie, vous essuyez le coutil, pour le débarrasser des grains de sable qu’en soufflant le vent des souvenirs a apporté dans votre chambre.
En fait, présenté comme ça, on pourrait croire qu’un matelas se retourne comme une crêpe. Mais en réalité, après ce petit exercice, la crêpe, c’est plutôt vous. Pantelant, les muscles meurtris, vous restez ainsi vautrés le temps de récupérer. Si on pouvait en finir avec cette tradition ! pensez-vous, en secret. Parce que c’est un blasphème. Chacun se doit de respecter et protéger les traditions – qui font partie de notre histoire, de notre identité –, sinon tout s’en va, tout fout l’camp. Puisqu’on a toujours fait comme ça, pourquoi faire autrement ? Eh bien, peut-être, simplement, parce que c’est possible maintenant…
Non, vous ne rêvez pas. Aujourd’hui, certains matelas ont un envers et un endroit. Une face dormeur et une, sommier. Fini le côté hiver, en laine pour vous réchauffer, et le côté été, léger, en soie, lin ou coton. Les garnissages aussi ont su évoluer, pour un plus grand confort et donc de meilleures nuits. Il y en a pour tous les goûts et surtout pour tous les besoins. Or certains garnissages sensibles ne sont pas réversibles. Parmi eux, il y a la mousse à mémoire de forme qui, épousant le corps, le suivant dans ses mouvements, procure un effet sur mesure, mais risquerait de s’affaisser si posée du mauvais côté, et les ressorts ensachés tout en souplesse et fermeté.
Ainsi, le monde évolue. En literie aussi. Les spécialistes de ce domaine n’en finissent pas de chercher et d’avancer dans le bon sens. Alors, autant en profiter et se libérer des corvées.
Catherine Fuhg