La jeunesse ne devrait pas se compter en années même si nous nous entêtons à la mesurer à leur aune. On pourrait décider d’en juger par la faculté à s’impliquer, par exemple, dans la vie de la société, ou à se passionner. Et, selon ces critères, ce monsieur d’un grand âge devrait, à n’en pas douter, se classer parmi les jeunes. Mais les mots sont des outils dont le sens est fixé pour mieux communiquer, et qu’il n’appartient à personne de changer arbitrairement. Je me plie donc au consensus. D’ailleurs, quelle importance ? Comme Jean-Marie Leloup le dit, les gens se retrouvent non par âges mais par familles d’esprit.
La voix et l’élocution fermes, cet homme de nombreux accomplissements, à la tête d’une tribu de quinze petits-enfants et dix arrière-petits-enfants, retrace l’histoire de sa vie, de son parcours exemplaire, sans en tirer orgueil. L’humilité est la grâce des meilleurs. Il impute par exemple au « hasard des rencontres » d’avoir été remarqué dès sa première année d’études par son professeur de droit civil, René Savatier, juriste de renom, doyen de la faculté de Poitiers, auteur de nombreux ouvrages dont un Traité de la responsabilité civile – quelques années plus tard, ils réviseront ensemble l’ouvrage fondateur de sa discipline Droit des affaires, pour sa troisième édition.
Cette distinction, évidemment, ne doit rien au hasard, mais tout au flair d’un professeur qui a su déceler le potentiel de son élève. L’avenir de ce dernier le prouve magistralement. En effet, il termine son cursus universitaire major de sa promotion, obtient son doctorat avec mention très bien, et entre aussitôt au barreau de Poitiers – dont il tiendra le « bâton » quand Robert Badinter sera ministre de la Justice. Devenu maître Leloup, il continue à n’aspirer à rien moins que l’excellence. Et les résultats sont probants, comme sa carrière en témoigne.
Reconnu internationalement en droit de la distribution, il continue de diriger son cabinet et rédiger des contrats – les décennies de pratique n’ont en rien émoussé son intérêt pour le sujet. Il a écrit et publié plusieurs livres références dans sa spécialité. À Poitiers, il a, près de vingt ans, enseigné aux doctorants le droit commercial, et dirigé, douze ans, l’École supérieure de commerce et d’administration des entreprises. Une expérience gratifiante qu’il chérit particulièrement. Et il n’est pas le seul : certains de ses anciens élèves maintiennent encore un lien proche avec leur directeur. Par des appels amicaux, des hommages dans leurs livres, mais aussi des aides concrètes – le changement d’une ampoule au plafond de son bureau, le lustrage de sa plaque, entre autres. S’il n’imaginait pas, ni n’espérait laisser une trace sur ceux dont il avait la charge, force lui est de reconnaître l’influence qu’il a eue sur eux. Quelle responsabilité que de former de jeunes esprits ! Et il a su, comme pour le reste, s’en montrer à la hauteur.
Catherine Fuhg
Pour aller plus loin : https://www.jean-marie-leloup.com/