Le 1er février 2021, Aung San Suu Kyi est arrêtée et mise en résidence surveillée par la junte birmane. Cette dernière vient de commettre son énième coup d’Etat.
Arrêtée une nouvelle fois, en 30 ans !
Retour sur une vie politique tourmentée…
Habitude récurrente, hélas ! En effet, déjà en juillet 1989, alors qu’elle est secrétaire général du parti qu’elle a co-fondé, la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND), elle est arrêtée par le gouvernement militaire qui avait pris le pouvoir un an avant. Motif, « trouble à l’ordre public ». Elle restera assignée à résidence pendant six ans.
En 1991, elle reçoit le prix Sakharov et le prix Rafto puis, en 1992, le Prix Nobel de la Paix. Au même moment, son parti gagne, avec près de 60% des voix, les élections législatives. Ses 392 députés sont interdits de siéger par la junte. Aung San Suu Kyi est à nouveau placée en résidence et une nouvelle répression commence.
En 1995, elle est libérée de sa détention surveillée mais il lui est interdit de quitter le pays sauf à risquer de ne plus revenir en Birmanie.
Son mari, Michael Aris, britannique, mourra ainsi en 1999, sans la revoir. Elle reste séparée de ses deux fils qui vivent en Angleterre.
En 2000, elle retourne en prison. Puis elle est libérée par une négociation entre l’ONU et l’armée. Son convoi subit, en 2003, un attentat, à Depayin, dont elle réchappe. Arrêtée, elle est à nouveau emprisonnée à Rangoon.
En vertu de la loi de 1975 sur la protection de l’Etat, qui permet d’emprisonner une personne pendant 5 ans sans jugement, la junte birmane reconduit l’assignation à résidence de la leader de l’opposition.
En 2006, elle est toujours en maison d’arrêt, sans téléphone, sans courrier et sans soins médicaux qu’elle nécessite, souffrant de problèmes de santé.
Pendant ces 5 années de détention, le groupe rock irlandais U2 compose pour elle la chanson « Walk On » ; les MTV Europe Music Awards lui donne le prix « Free Your Mind » ; la ville de Paris l’a fait « citoyenne d’honneur ; Forbes la classe 47ème femme la plus puissante du monde (elle sera 19ème en 2012).
En 2007, 50 anciens dirigeants du monde lancent dans une lettre (Bill Clinton, Jimmy Carter, Jacques Delors) un appel pour sa libération.
Commencent alors les manifestations des moines bouddhistes dans les villes birmanes. Malgré les pressions internationales, les grèves générales et les manifestations, les militaires la maintiennent en détention ; ils la condamnent même à 18 mois de prison, en 2009, pour l’empêcher de participer aux élections de 2010.
Le 13 novembre 2010, elle est libérée et accepte l’ouverture du Président Thein Sein. Lors des législatives partielles, son parti la LND emporte 43 sièges sur 45 et elle est élue député.
Pour la première fois en 30 ans, elle quitte la Birmanie pour une tournée en Europe ; elle est reçue à Londres et Paris où elle plaide pour un soutien de la Communauté internationale au processus démocratique engagé dans son pays. Elle reçoit, 20 ans après, son prix Nobel de la paix à Oslo, en juin 2012.
On se souvient le très beau film « The Lady » de Luc Besson.
Eclatent alors des affrontements entre l’armée et des indépendantistes des minorités ethniques Kachin et Rohingyas (suite à l’assassinat d’un jeune bouddhiste). Elle refuse de condamner les violences faites aux musulmans et le « nettoyage ethnique » de l’armée.
Les mêmes médias anglo-saxons et ONG qui en avaient fait une icône de la lutte contre la dictature militaire et pour les Droits de l’Homme, ternissent son image, oubliant que les militaires ont tout le pouvoir et qu’ils peuvent à tous moments la mettre en prison, interrompant ainsi le retour à la démocratie.
Oubliant aussi qu’elle sera, en 2017, à l’origine d’une commission consultative sur la situation dans l’Etat d’Arakan, présidée par Koffi Annan dont elle avait mis en œuvre les recommandations favorables au rétablissement des Rohingyas dans leurs droits. Et ce n’est qu’à la suite de l’attaque d’un poste de police par cette minorité musulmane que l’armée lui retira ce dossier…
Michel Scarbonchi