Il sourit à demi, mais avec les yeux aussi. On pourrait imaginer qu’il ne se laisse pas emporter par la passion et ses tempêtes – je n’ai pas pu résister à cette allusion à la mer, qu’il m’avoue tant aimer, ajoutant un « Je suis Breton » en guise d’explication. Et on se tromperait : il sait bouillir de rage. C’est ce qui lui est arrivé au début de son parcours de militant syndical. Hostile à des accords signés par sa fédération, il s’était rendu, remonté, à une assemblée générale avec la ferme intention de déchirer sa carte, et en était revenu résolu à agir pour ne plus avoir à subir.
En 1992, il entre en syndicat, formule dont il est l’auteur qui m’évoque un sacerdoce, et j’ai bien l’impression qu’il ne l’entend pas autrement. Bientôt, sentant ses limites, il conclut qu’il lui faut « acquérir des fondamentaux » afin d’appréhender la complexité des données et des situations auxquelles il est confronté, comprendre le système pour mieux défendre et négocier les droits de ses collègues. Jeune père de quatre enfants, infirmier à plein temps, il prend donc le chemin de l’université.
Le travail ne lui fait pas peur. Ainsi ne s’est-il pas accordé le moindre repos lors de son installation en tant qu’infirmier libéral. Pour atteindre son objectif d’établir son cabinet, développer sa patientèle et la fidéliser, il ne s’est pas ménagé, ne comptant pas les heures, les nuits ou les dimanches consacrés à ceux qu’il soignait. Il se rappelle encore son premier jour de congé au bout de deux années : « J’étais incapable de m’asseoir. Il m’a fallu du temps avant de pouvoir m’arrêter. »
Ce qu’il redoute et fuit, en revanche, c’est l’ennui. Aussi a-t-il rapidement quitté son poste à l’hôpital, en service de cardiologie, où il a débuté. Il avait constaté l’usure de ses collègues et de leurs convictions, sous le poids de la hiérarchie, du pouvoir médical et de la technostructure. « Je ne voulais pas finir en comptant mes points retraite. »
On ne s’étonnera pas d’apprendre qu’il a gagné tous ses paris. Son cabinet a grandi et s’est ouvert à cinq associés. Il a tissé des liens forts avec sa clientèle s’occupant de familles parfois depuis des générations : « On peut dire que pour certains, je fais partie des meubles. » Son cursus universitaire s’est soldé par une licence en sciences sanitaires et sociales directement suivi d’un master de santé publique. Enfin, après douze ans à la vice-présidence de la Fédération nationale des infirmiers, l’organisation syndicale la plus puissante de la profession, il en a été élu président en 2018.
Aujourd’hui, pour servir au mieux les intérêts de ceux qui ont placé leur confiance en lui, ses collègues qui l’ont choisi pour le représenter, il réserve son énergie à sa mission syndicale. Mais s’il a arrêté d’exercer dans son cabinet, c’est surtout pour ses patients. La pratique de son métier d’infirmier libéral exige un suivi régulier impossible à assurer quand on s’absente comme lui. « J’ai continué tant que j’ai pu. Mais mes patients en souffraient. Ils se réjouissaient de me voir revenir. Et je repartais aussitôt. Ça me fendait le cœur. »
Cependant, il ne les oublie ni ne les abandonne. Il œuvre autrement pour leur bien, en s’engageant aux côtés d’autres acteurs de santé pour lutter contre les méfaits de la Covid 19 – économiques, psychologiques et sanitaires –, au travers de la promotion d’une politique de prévention en matière de santé publique. D’ailleurs, ils ne s’inquiètent pas. Daniel Guillerm, ils le savent, on peut compter sur lui.
Et en ces temps d’élections interprofessionnelles, son message est clair : « je vote prévention santé ».
Catherine Fuhg
Retrouvez Daniel Guillerm parmi les signataires de la Lettre ouverte au Président de la République « Pour un Matignon de la prévention et de la santé publique » initiée par les partenaires de la. campagne « Ensemble Prévention Covid ».