La pharmacie, il est tombé dedans quand il était enfant, en observant sa mère dans son officine à Limoux. Il l’a vue travailler, gérer son temps librement, ne dépendre de personne. Être la seule maîtresse à bord. Quand sa tête de petit garçon ne dépassait pas du comptoir, il a entendu des mots qu’il ne comprenait sans doute pas. Mais la chaleur des relations entre sa mère et ses clients qui se confiaient à elle, lui demandaient conseil, ne lui a pas échappé. Aussi, Philippe Besset n’a-t-il jamais voulu que devenir pharmacien.
Il aurait pu changer d’avis, quand il a attrapé plus tard la passion pour la politique, ou plutôt pour l’action publique. Mais au lieu de choisir entre ses deux amours, il les a mariées. Au fond, elles se ressemblent. Protéger la santé et défendre les droits sociaux sont deux manifestations d’une même empathie, d’un même intérêt pour autrui. Ainsi, à l’université, déjà syndicaliste, un brin « agitateur », il a écrit sa thèse de doctorat en pharmacie sur les différents systèmes de santé en Europe.
Tout en pratiquant son métier et en grimpant les échelons de l’appareil syndical, il s’est lancé seul dans l’étude des modèles économiques, dans l’idée d’optimiser les pratiques de son métier. D’armer les professionnels face aux nouvelles réalités et aux changements inéluctables. Il a persévéré jusqu’à pouvoir se targuer d’être un expert en la matière, et cette expertise acquise à force d’un travail obstiné, il la met au service de ceux qu’il représente – car depuis mars 2019, il est le président de la FSPF, Fédération des syndicats de pharmaciens de France –, mais aussi et surtout de la santé publique.
En vrai leader, Philippe Besset n’a pas peur, par ailleurs, de nager à contre-courant, si c’est pour impulser une évolution nécessaire, pour emmener avec lui même les réfractaires vers un mieux. Il prône par exemple l’adoption, au quotidien des officines, de solutions numériques alors que, pour la plupart, ses collègues y sont hostiles. Il œuvre à la mise en place d’outils plus performants pour un meilleur confort de ses collègues et leurs clients – patients ? –, et milite pour le développement du volet prévention en matière de santé.
Et n’allez pas lui opposer que la prévention signifie moins de médicaments vendus, donc moins de revenus, et qu’elle est donc contraire aux intérêts des pharmaciens. Tout est question de perspective, rétorque-t-il aussitôt. La pharmacie est un commerce, certes, mais à vocation sanitaire. Et ce n’est pas la première fois qu’elle doit changer de fonctionnement : « Les druides, ancêtres des apothicaires, fabriquaient des potions, remèdes, tout comme les pharmaciens jusqu’en 1940 où ils sont devenus distributeurs spécialisés. Depuis 2010 environ, ils procurent des soins de santé autour du médicament. Aujourd’hui, la profession se transforme à nouveau, se dirigeant plutôt vers de l’accompagnement, des actes de prévention, vaccins, dépistage, information. L’éducation à la santé sera un des rôles majeurs des pharmaciens à l’avenir. »
C’est en ce sens qu’il s’implique dans la campagne de prévention contre la Covid-19. Il voudrait même aller plus loin : « En Orient, la prévention est au centre de la médecine, pas la maladie comme chez nous. Les professionnels de santé y sont pénalisés si leurs patients tombent malades. Parce que cela veut dire qu’ils ont mal fait leur travail. Mais l’Europe occidentale ne croit pas à la prévention. C’est cette vision qu’il faut changer. Maintenant qu’il faut commencer. »
Et si la Covid-19 marquait le début de cette révolution attendue ?
Catherine Fuhg
Retrouvez Philippe Besset parmi les signataires de la Lettre ouverte au Président de la République « Pour un Matignon de la prévention et de la santé publique » initiée par les partenaires de la. campagne « Ensemble Prévention Covid ».