En quoi cette technologie impacte-elle le quotidien des journalistes ? Rappelons que la presse fait partie des secteurs fortement impactés par le développement du numérique. Côté cuisine, toute la chaine de fabrication de l’information a été transformée, de la collecte à la diffusion en passant par la mise en page ou encore, la relecture des articles. Côté lecteur, internet est devenu le moyen privilégié d’accéder à l’information.
Une évolution qui n’a pas fini d’ébranler les modèles économiques des entreprises de presse. Si celles-ci ont bien sûr intégré cette nouvelle donne dans leurs chaines de production et, avec plus ou moins de bonheur, dans leur modèle économique, l’utilisation de la dernière génération d’outils basés sur l’intelligence artificielle n’est pas encore généralisée. Les raisons sont diverses, peur ou manque de connaissances sur cette technologie, intégration perçue comme complexe et onéreuse dans le métier… Ce, alors que l’IA devient un des leviers majeurs pour aider les journalistes à se concentrer sur l’essentiel.
Faciliter la production de nouveaux contenus …
Dans le quotidien des journalistes, l’analyse du langage naturel basée sur l’IA facilite l’identification d’articles portant sur le même sujet. Elle accélère également la contextualisation en facilitant l’accès aux sources ad hoc, là où, des recherches basées sur des mots clés ou des indexations classiques ne sont pas forcément pertinentes. Exemple, un journaliste travaillant dans la presse quotidienne régionale sur Georges Brassens, cherchera plus souvent le nom d’une rue ou d’un centre culturel quand son confrère œuvrant pour la presse spécialisée cherchera les derniers papiers parus sur l’auteur-compositeur.
Des recherches d’autant plus complexes que, internet oblige, le volume d’articles produits a notablement augmenté. Indexer un tel volume de documents représente une tâche trop conséquente pour les documentalistes, et exigerait, en outre, une harmonisation complète des méthodes de classification. Parce qu’elle est capable de reconnaitre et d’extraire des entités complexes sans contraintes sur le volume de documents à analyser, l’IA répond à ces questions.
Elle est également à même de faciliter, voire d’automatiser, la production de nouveaux contenus en particulier quand les sources à prendre en compte sont chiffrées. Des cas d’usage déjà effectifs portent sur la météo, les résultats sportifs, la bourse… Les articles générés par l’IA se contentent de « textualiser » ces données chiffrées et permettent aux journalistes de se concentrer sur les analyses. Cette technologie est également mise à profit pour la diffusion. Elle optimise le référencement naturel en identifiant les concepts clés et augmente l’engagement des lecteurs via des liens de rebond personnalisés.
… sans investissement lourds
Toutes ces possibilités découlent de la dernière génération d’algorithmes utilisés pour l’analyse du langage naturel. Ces technologies[1] ont fait un bond depuis 4 ans et interprètent chaque mot dans le contexte de la phrase et du texte où il apparaît faisant alors la différence entre « …quatre fois la marge brute annuelle… » et « …comportements violents de quelques brutes à la marge … ». Aussi, la puissance de calcul nécessaire est aujourd’hui très abordable et utilisable à la demande via le cloud. Basées sur ces évolutions, des offres en SaaS se développent à des tarifs accessibles.
Parallèlement des solutions spécialisées « prêtes à l’emploi » simplifient drastiquement la mise en place de fonctionnalités d’IA et évitent de lancer des projets en interne, une démarche risquée qui demande des compétences spécifiques difficiles à trouver. L’hebdomadaire Le Point a, de cette manière, intégré en moins de trois mois un moteur de suggestions dans son flux éditorial à partir d’une solution d’IA pré entrainée.
De plus en plus simples et économiques à intégrer dans les outils de recherche ou de production de contenus, ces fonctionnalités à base d’IA renforcent les stratégies éditoriales et la transformation des modèles économiques des titres de presse. L’IA facilite le quotidien des rédacteurs en corrigeant, en contextualisant et en élargissant des recherches, leur dégageant ainsi du temps pour approfondir leurs analyses. La presse de demain sera certainement composée de « plumes » alliées à … des IA.
Lawrence Carbon
* Lawrence Carbon est Directeur Technique de ContentSide, une ESN et un éditeur de logiciels français spécialiste de l’IA appliquée à la gestion de contenus.
[1] Transformers : https://lbourdois.github.io/blog/nlp/Transformer/