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09H12 - jeudi 1 avril 2021

Heureux comme Abdallah en France, ou le livre miroir des musulmans de France

 

Au xixe siècle, la France incarnait en Europe, surtout pour les opprimés, les droits de l’homme, la liberté, en particulier de culte. Une sorte de terre promise. Une expression yiddish, pleine d’espoir, ou d’illusions, illustrait cette image : « Heureux comme Dieu en France ». Karim Guellaty l’a détournée pour le titre de son ouvrage qui raconte une autre histoire pas si éloignée. C’est qu’avec le temps qui passe, la réalité, inflexible, met les idéaux à l’épreuve. Depuis, donc, il y a eu les crimes de la colonisation, les guerres de libération, et des plaies qui de parts et d’autres n’ont pas cicatrisé.

Dès le premier chapitre, « Au trou », un certain goût d’amertume s’impose. Bientôt, on comprend qu’Abdallah, père de famille tunisien, immigré sans histoires, a malencontreusement glissé sur la peau de banane de l’intégration à la française. Il choisit d’immigrer, avec sa femme et ses deux filles, parce que, en Tunisie, « on manque de tout » et qu’il remplit toutes les cases de l’immigration choisie, puisque, en France, ça tombe bien, « on manque d’informaticiens ». Une tractation win-win. Du moins sur le papier. Pourtant dès son arrivée, il se sent obligé, contraint, sommé au travail, de défendre son islam auprès de ses collègues Français, athées peut-être mais si chrétiens, et aussi dans son quartier, auprès de ses « frères » musulmans, mais pas les Frères Musulmans.

Cet Abdallah de Karim Guellaty ne peut être que Tunisien comme son auteur [voir ci-dessous la présentation de l’auteur]. Car les Tunisiens, au fond profondément laïcs, n’aiment pas qu’un parti (Ennahda en l’occurrence) leur dise comment ils doivent vivre leur religion. Mais Karim Guellaty ne pensait pas qu’en France les injonctions indentitaro-religieuses monteraient autant en flèche et finiraient par déterminer autant les relations sociales.

La vie d’Abdallah devient comme schizophrénique : les uns, implicitement, lui reprochent de pratiquer une religion « obscurantiste » qui nourrit le terrorisme, les autres entendent lui imposer une nouvelle lecture de textes qu’il connaît par cœur. Au bout de quelques mois de ce contexte délétère, cet homme bien éduqué, cultivé, diplômé, heureusement marié, perd le contrôle de ses nerfs. Près du marché de Noël, sur les Champs-Élysées, deux jeunes insultent ses filles, au nom de la pudeur. C’en est trop. Il leur rentre dedans. Cet incident fait boule de neige.

La suite, il faut la lire dans le texte ! Un roman, qui est aussi une déclaration d’amour à sa femme, à sa famille et à la France, mais dont l’ambition est aussi certainement de présenter l’islam de manière éclairée. Mission accomplie ! L’auteur attaque avec ardeur, et foison d’arguments, les sujets sur lesquels s’affrontent les ignorants des deux camps, le port du voile, le divorce, l’héritage, la polygamie… sapant, citations à l’appui, nombre d’idées reçues. Il prend aussi le temps d’expliquer les branches de l’islam et ses mouvances politiques, rappelle les origines communes aux trois principales religions monothéistes…

Au-delà des sujets qui fâchent, on apprend, en passant, que dans le traditionnel Assalamou Alaykoum, que la paix soit sur vous, le « vous » s’adresse non seulement à la personne que l’on salue mais aussi aux deux anges qui encadrent chaque être humain, « celui de gauche et celui de droite, qui comptent respectivement les mauvais points et les bons points pour le jour du jugement dernier ». À en croire cette légende, nul besoin de police des mœurs. Autant s’en remettre à eux, à dieu. Joli !

Heureux comme Abdallah en France ? Un livre d’utilité publique, une profession de foi pour une société apaisée par le vivre-ensemble. Un livre miroir dans lequel se reconnaîtront de nombreux Français, écrit par un citoyen devenu peut-être lui-même, à certains égards, cet Abdallah de France.

 

Michel Taube

 

A lire : Heureux comme Abdallah en France, Ed. encre de nuit, 19,95 euros

 


Karim Guellaty, juriste de formation, est Tunisien de père, Français de mère, binational de cœur. Né en 1973, il a grandi en Tunisie. Il a étudié le droit à Paris pour l’enseigner ensuite.

Marié et père de cinq enfants, Il dirige aujourd’hui une entreprise spécialisée en stratégie politique et de communication, en marge d’une activité de services du numérique et habite entre Tunis et Paris. Il est également éditorialiste pour un journal numérique en Tunisie, businessnews.com.tn, dans lequel il balaie toutes les semaines l’actualité internationale de la semaine. 

Dans le cadre de ses activités, il a conseillé des institutions et de nombreuses personnalités politique en France mais également à l’étranger (Canada, Europe et certains pays en Afrique).

Depuis la révolution du jasmin, Karim Guellaty a joué un rôle très actif en Tunisie en conseillant depuis 2011 certains chefs du gouvernement, et au côté de l’ancien président de la République Beji caïd Essebsi. 

Spécialiste de l’islam, il a aussi traité des sujets liés à la radicalisation, en plus de la gouvernance, de la coordination des cellules de crise et des actions diplomatiques. 

Il est coauteur du Que sais-je ? Le Droit Musulman (Presses Universitaires de France – 2000) et du Droit des sociétés Informatiques dans la collection « Approfondir » (Éditions Litec – 2001) qui a reçu le prix de l’AFDIT en 2001.

 

Directeur de la publication

Arrêtons de dénigrer notre chère Tunisie !

En cette ère où les images ont un pouvoir émotionnel puissant et peuvent fausser la réalité, Nous, enfants de la France et de la Tunisie, et amis de cette terre d’Afrique du…