Dans son allocution télévisée du 31 mars, le chef de l’État a rappelé que le télétravail était essentiel à la maîtrise de l’épidémie. Cette déclaration a-t-elle valeur de dernier avertissement aux entreprises avant sanction, si elles ne systématisaient pas le télétravail partout où cela est possible ? Nullement ! Et bien que le ministre de la Santé Olivier Véran ait enfoncé le clou en estimant à la Matinale de France inter que « 40% du succès d’un confinement, c’est le télétravail », il est peu probable qu’Emmanuel Macron souhaite ouvrir une nouvelle polémique en légiférant sur la question, après avoir souligné qu’il misait sur le civisme et le sens des responsabilités des Français pour respecter les gestes barrières et les mesures de restriction.
Que dit le droit ?
Seul l’employeur peut imposer le télétravail à ses salariés, notamment en cas de risque épidémique (art. L1222-11 du Code du travail). Mais il s’agit d’une option et non d’une obligation, quand bien même Elisabeth Borne, ministre du Travail, aurait-elle prétendu l’exact contraire au micro d’Europe 1. Le Conseil d’État a jugé le 19 octobre 2020 que les protocoles sanitaires ne sont que des recommandations s’ils ne s’appuient pas sur des textes contraignants.
En revanche, un salarié contaminé pourrait invoquer le non-respect par l’employeur de son obligation générale de sécurité (art. L4121-1 du Code du travail). La démarche serait toutefois hasardeuse si les protocoles sanitaires sur le lieu de travail étaient respectés par l’employeur (information des salariés, port du masque, distanciation physique…). Hors cluster identifié, l’origine de l’infection est difficile à déterminer.
Le Covid-19 a certes été intégré à la liste de maladies professionnelles (décret n° 2020-1131 du 14 septembre 2020), ce qui entraîne un renversement de la charge de la preuve, mais uniquement en secteur sanitaire et médico-social (pour résumer). En dehors de ces secteurs, l’employeur refusant la généralisation du télétravail prend donc un risque limité.
Enfin, même si le télétravail était imposé par la loi, il y aurait débat sur les tâches qui peuvent ou non être ainsi accomplies.
Raymond Taube
Directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique, Rédacteur en chef d’Opinion Internationale