L’autocrate islamiste dirigeant la Turquie n’a proposé qu’un strapontin (le canapé des traducteurs et seconds couteaux) à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, venue négocier une relance aléatoire des relations turco-européennes, en compagnie de Charles Michel, président du Conseil de l’Union européenne. Ceci au moment où le khalife d’Ankara renforce sa mainmise sur son pays. Se faisant, l’Union européenne a confirmé qu’elle n’avait que les représentants qu’elle mérite : faibles, lâches et insignifiants.
Selon Jean Quatremer, journaliste spécialiste des questions européennes travaillant notamment pour Libération, Recep Tayyip Erdogan n’est pour rien dans ce couac. Intervenant sur Cnews (Punchline/Laurence Ferrari), il résume l’incident à une erreur de protocole, et encore, puisque le président du Conseil européen est au-dessus de la présidente de la Commission dans l’ordre protocolaire de l’Union. Charles Michel a été chef du gouvernement belge. Il n’est donc pas un haut fonctionnaire, comme l’est en définitive Ursula von der Leyen. Mais il n’a aucun pouvoir au sein du l’UE, moins en tout cas que la présidente de la Commission européenne, car il n’est que le représentant, le porte-parole des chefs d’État et de gouvernement, qui sont en pratique l’organe législatif fort et l’exécutif de l’Union. C’est en effet le Conseil européen, cette petite assemblée des 27 dirigeants des pays membres, qui plus que le que Parlement européen, prend toutes les décisions fondamentales, décisions qu’il appartiendra au Parlement de confirmer et de formaliser, et à la Commission et au Conseil des ministres de mettre en musique.
L’explication de notre expert des questions européennes est un peu courte : lorsque Erdogan avait reçu Donald Tusk et Jean-Claude Junker, prédécesseurs de von der Leyen et Michel, ils avaient chacun eu droit à leur fauteuil. Aurait-il fait le même coup à Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale européenne (BCE), et qui est vraisemblablement le personnage le plus important de l’Union européenne ? Ou l’aurait-il fait si la Commission avait été présidée par un homme ? Qui fut humiliée ? S’agissait-il d’une grossière marque de mépris à l’égard des femmes, en parfaite cohérence avec sa pensée islamique médiévale, d’une humiliation calculée et programmée de l’Union européenne, ou d’un couac protocolaire ? Erdogan ne s’est jamais conduit ainsi à l’égard d’une cheffe d’État ou de gouvernement.
Si l’Europe s’est sentie humiliée, si elle l’a vraiment été, force est de reconnaître qu’elle donne le sentiment d’être un « machin » sans grande consistance, comme disait le général de Gaulle de l’ONU. Et ce n’est pas son art de la négociation avec les laboratoires produisant des vaccins anti-covid qui démentirait le général. « L’Europe, quel numéro de téléphone ? », avait ironiquement demandé en 1970 Henri Kissinger, ancien Secrétaire d’État de Richard Nixon. La question est toujours d’actualité. Ses numéros, ce sont ceux des 27 du Conseil européen et peut-être celui de la BCE. Les autres ne sont que des exécutants.
Charles Michel n’a été ni gentleman ni courageux face au président turc. Il aurait dû proposer son fauteuil à Ursula von der Leyen, refuser de s’y asseoir ou exiger un second fauteuil à ses côtés. On se souvient qu’en finale de la coupe du monde de football en 2018, l’émir du Qatar avait laissé sa place à Brigitte Macron et s’était assis bien en retrait par pure galanterie.
Certain(e)s féministes n’apprécieront pas la galanterie (à tort) mais sur ce coup, l’Union Européenne sort humiliée de cet incident diplomatique. Car la présidente de la Commission européenne aurait dû elle aussi exiger un fauteuil ou quitter la salle. Mais elle accepta elle aussi d’être reléguée au rang de potiche.
Un lâche et une potiche humiliés par un autocrate auquel ils versent chaque année trois milliards d’Euros pour que la Turquie ne nous envoie pas les migrants du monde arabe. Effectivement, l’Union européenne va très mal
Michel Taube