Le plus important gardien des droits et des libertés individuels, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), qui siège à Strasbourg, a rendu le 8 avril une décision validant le principe d’une obligation vaccinale : « Lorsqu’il apparaît qu’une politique de vaccination volontaire est insuffisante pour l’obtention et la préservation de l’immunité de groupe, les autorités nationales peuvent raisonnablement mettre en place une politique de vaccination obligatoire afin d’atteindre un niveau approprié de protection contre les maladies graves ».
En France, une grande partie de la classe politique et des leaders d’opinion considère que même l’instauration d’un passeport vaccinal ou sanitaire serait une insupportable mesure discriminatoire. Rappelons que selon Marine Le Pen et le RN, il créerait deux catégories de Français, analyse des plus démagogiques, puisqu’elle place l’égalitarisme sur le terrain où elle n’a aucune justification.
Quant à la vaccination obligatoire, en l’espèce contre le Covid, elle serait une contrainte digne d’une dictature. Ils s’y opposeraient avec véhémences et évoqueraient précisément les droits de l’Homme. Mais que reste-t-il de ce prétexte fallacieux après l’arrêt de la CEDH ? Ces pseudo droitsdelhommistes sont-ils plus qualifiés et crédibles que la Cour de Strasbourg pour juger de ce qu’est un droit de l’Homme et de ce que constitue sa violation ?
Quelle serait l’alternative au passeport sanitaire ou à la vaccination obligatoire ? Conserver les mesures de restriction, continuer le dépeçage de secteurs entiers de l’économique, et porter gravement atteinte à la vie sociale et à au moral des Français, jusqu’à ce que le coronavirus daigne nous lâcher. De quoi donner envie aux plus aigris, déçus ou souffrants de voter Le Pen ou Mélenchon l’an prochain !
La CEDH pouvait-elle juger autrement ? Dans de nombreux pays, la vaccination contre plusieurs maladies est obligatoire depuis fort longtemps. En France, il s’agit de la diphtérie, du tétanos, de la poliomyélite, de la coqueluche, de la Rougeole, des oreillons, de la Rubéole, de l’haemophilus Influenza de type B, de l’hépatite B, du pneumocoque et du méningocoque de type C. La plupart de ces vaccins sont administrés aux nourrissons, sans consentement préalable des parents. C’est un progrès sanitaire majeur.
Le 9 mars 2021, l’Académie de médecine a officiellement recommandé la vaccination obligatoire des soignants contre le Covid-19, en écho à l’appel de Daniel Guillerm, Président de la Fédération Nationale des Infirmiers et co-initateur de la campagne « Ensemble Prévention Covid ». Mais souffrant du « syndrome du Gilet jaune », Emmanuel Macron craint qu’une telle mesure ne provoque une fronde des soignants, des grèves et des manifestations. Pourtant, la vaccination des professionnels de santé est déjà obligatoire contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, l’hépatite B et la tuberculose. S’y ajoute la typhoïde pour les professionnels exposés à un risque de contamination.
Tout vaccin peut engendrer des effets secondaires, rarement dramatiques, ou des chocs allergiques. Les vaccins qui sont aujourd’hui imposés à la population générale comme aux soignants ne sont globalement ni plus ni moins dangereux que ceux contre le Covid.. 734 millions de personnes ont déjà reçu au moins une injection, à la date du 8 avril 2021 (https://ourworldindata.org/covid-vaccinations). Par précaution statistiquement excessive (environ un cas de thrombose pour un million d’injections au Royaume-Uni), le vaccin AstraZeneca est désormais réservé aux plus de 55 ans. Mais avec une offre vaccinale anti-covid en passe de s’accroître en dépit du refus idéologique d’utiliser le vaccin chinois, rien ne doit s’opposer à une généralisation de la vaccination, car elle est plus que jamais la seule manière de mettre fin à ce cauchemar qui a déjà endeuillé près de 100.000 familles en France, pour ne mentionner que la conséquence la plus dramatique. Si le gouvernement opte pour le passeport sanitaire, il faudrait qu’il soit exigé non seulement pour voyager, mais pour entrer dans tout espace ouvert au public, comme les cinémas, les restaurants, les commerces. Ce n’est pas inconcevable, mais il serait plus simple de rendre le vaccin anti-covid obligatoire, peu importe si cela le bonheur des laboratoires. La pluie fait celle des vendeurs de parapluies. La détresse celle de l’extrême droite et de l’extrême gauche.
Enfin, il faut souligner que ces mêmes extrêmes, en particulier les populistes et les nationalistes, ont en horreur la Cour européenne des droits de l’Homme, qu’ils accusent mensongèrement de nous empêcher de lutter contre le terrorisme et l’islam radical. Qu’il s’agisse du port du voile à l’université, du voile intégral dans l’espace public, ou de l’expulsion des terroristes, la CEDH a fait montre du même pragmatisme qu’en matière de vaccination. Elle est bien la garante des droits de l’Homme. Et aujourd’hui de celui des gouvernements de sauvegarder la santé de leur population. Plus qu’un droit, c’est leur devoir.
Michel Taube