L’élection présidentielle du Bénin a livré, sans surprise, son verdict. Patrice Talon est réélu avec près de 80%des voix, dès le premier tour.
Certes, il n’y avait pas de suspense, les deux candidats concurrents du Président sortant étant peu connu et de peu de poids politique.
Les personnalités les plus représentatives étaient, soit inéligible comme l’ancien premier ministre Lionel Zinsou pour compte de campagne non sincère lors de l’élection présidentielle de 2016 et Sébastien Ajavon, homme d’affaires en exil, condamné pour trafic de drogue.
La seule incertitude pour le Président sortant résidait dans la participation des électeurs, des partis et personnalités diverses appelant les béninois à l’abstention afin de délégitimer une élection qu’ils avaient peu de chance de gagner. La CENA annonce plus de 50% de participation. Supérieure aux dernières élections législatives de 2019 (27%) et ce, malgré un contexte de troubles dans un certain nombre de villes, d’urnes volées ou brulées.
Au-delà du procès en démocratie qui était fait au Président et à son gouvernement sur la réduction du nombre de partis politiques (prés de 200), sur la procédure des candidatures aux diverses élections locales et nationales, sur les parrainages, la réalité de l’élection reposait en fait sur le bilan de la mandature écoulée.
A son arrivée au pouvoir, en 2016, le duo Talon et Bio-Tchané son ministre du Plan et du Développement, trouve un pays exsangue suite à la gestion incompétente du Président Boni Yayi. En trois ans, le redressement économique et financier va être spectaculaire. Développement de l’agriculture, grands chantiers d’infrastructures, comptes publics positifs, développement du numérique, émancipation du Nigéria, le pays fait son entrée dans la modernité, tous ses indicateurs de prospérité étant parmi les plus remarquables de la CEDEAO.
C’est ce bilan qu’une majorité de béninois ont jugé, eux qui avaient été épuisés, effrayés par la gestion calamiteuse de Boni Yayi.
D’aucuns, repris par les médias français, ont répété que Patrice Talon avait promis de ne pas faire deux mandats. C’est occulté la vérité. Talon voulait ne faire qu’un mandat considérant qu’avec deux mandats, les Présidents sont plus préoccupés de leur réélection que de l’intérêt général.
C’est pourquoi, dés son élection, il avait proposé à l’Assemblée Nationale de l’époque la réforme du mandat présidentiel unique de 5 ans.
Mesure révolutionnaire en Afrique comme ailleurs quand on sait que l’objectif est plus sûrement d’en faire trois qu’un seul. Les Députés le lui refusèrent. Il en a pris acte.
Le KO électoral de ce premier tour était inscrit. Reste le plus difficile, poursuivre le changement avec deux défis : une véritable politique sociale pour la classe moyenne et les plus défavorisés sachant que le pendant de toute politique libérale demeure la nécessité d’une action sociale forte notamment pour l’emploi et les salaires. L’élévation du niveau de vie des béninois et la formation des jeunes sera probablement au cœur de cette nouvelle mandature.
L’autre défi étant la réconciliation nationale. Bertin Kovi, Président de l’alliance Iroko, l’un des opposants les plus durs du Président, rentré au pays pour l’élection, a lui-même lancé un appel au retour des Komi Koutché, Sébastien Ajavon, Léonce Houngbadji, Léhady Soglo afin de travailler ensemble dans l’intérêt supérieur du Bénin. Reste le sort de Reckya Madougou, leader du » Parti les Démocrates », emprisonnée depuis un mois.
Ce pari de la réconciliation ne sera pas le plus simple pour Patrice Talon, même si secrètement, il rêve de refaire du Bénin le « quartier latin de l’Afrique de l’Ouest ».
Michel Scarbonchi
Ancien député européen, consultant international