Depuis que Parti Communiste et Parti Socialiste ont laissé détruire et contribué à détruire eux-mêmes leur propre assise (classe ouvrière nationale, employés et agents des compagnies nationales, fonctionnaires d’Etat, certains paysans, enseignants du primaire, en un mot des Colbertiens) certains d’entre leurs dirigeants, courent, courent après l’électeur, n’hésitant pas à fouler ce qu’ils avaient adoré. C’est pathétique.
François Mitterrand, j’en témoigne, se méfiait comme de la peste du PS, son propre parti (il n’adhéra que le jour-même de son élection à la tête du parti, à Epinay), et on oublie toujours que lui-même comme Roland Dumas, qui lui était proche, n’avaient jamais adhéré, ni l’un ni l’autre à la SFIO, le PS d’alors. Mitterrand voisinait en son temps, dans une minuscule formation-pivot (UDSSR), avec des hommes bien peu socialistes (Pleven, etc.) et Roland Dumas, toujours avec nous, se définissait alors comme « socialiste indépendant ». En insistant toujours sur le mot « indépendant ».
Mais le pompon est aujourd’hui atteint avec la réforme judiciaire. Alors qu’aucun Français n’ignore que la justice a totalement décollé des réalités sensibles, que les magistrats recrutés sont, pour 4/5 èmes d’entre eux, des femmes, que les enseignements strictement « techniques », la théorie du genre et autres blablabla, ont envahi les têtes et les débats bordelais, en un mot que 9000 personnes sans légitimité élective, a fortiori divine, tranchent les litiges pour 67 millions de Français, le garde des Sceaux propose d’étendre les « Cours criminelles » composées de magistrats professionnels. Un homme qui se classe lui-même à gauche propose de dépouiller les Cours d’Assises. Pas banal pour l’ex-Acquitator, qui se haussa des prétoires de province à la scène théâtrale pour terminer, en cette triste place Vendôme, 75 001 Paris.
Tout le monde le sait. Dans les pays libres, les jurys sont partout. Pour avoir assisté à des audiences de divorces avec jurés à Los Angeles, et tant d’autres à Londres, Edinburgh, de New York à Johannesburg, je suis en mesure d’affirmer qu’un Etat démocratique se caractérise d’abord par cette implication du peuple dans SA justice.
Mais la France, encalminée depuis si longtemps dans le bourbonisme – cette dérive de l’absolutisme d’Etat, commencée sous Louis XIII et laïcisée sous quelques républiques, du général Bonaparte à Clemenceau, de Daladier à Pompidou et successeurs – ne sait pas, oh non ! ne sait pas organiser la démocratie.
À force de rêver à une nième révolution, à la sixième république – pourquoi pas la septième ? on gagnerait du temps – on oublie le quotidien, le réel. Et si on commençait par refonder ce pays sur des blocs simples et solides ? Les juges élus au suffrage universel, comme aux Etats-Unis, comme le voulaient Gambetta et Briand, rendent des comptes. Et peuvent donc ne pas être réélus. Les nôtres, notés, formatés, conformes, ne rendent que des chiffres et demeurent des décennies durant en fonctions, en se faisant forts de tant de décisions rendues… L’adéquation entre la volonté populaire et les verdicts est repoussée comme indigne ! Exit les Cours d’assises populaires, réduites à jouer les utilités.
On croit rêver ! Et comme sous tous les gouvernements soi- disant de gauche, on aboutit à une rétraction de la Justice sur elle-même. Ne nous appesantissons pas ! Il faudrait des chroniques entières pour énoncer des exemples…
Merveilleuse gauche ! Peut-être faudra-t-il enfin un miroir à nos politiciens macroniens et autres issus du PS, non pour se mirer, se maquiller pour les plateaux de télévision, mais pour s’apercevoir que dans une glace, l’extrême gauche et la gauche sont…à l’extrême droite.
Jean-Philippe de Garate