Enfin ! Au fil des jours, l’accord entre les parties libyennes actant la désignation comme Président du Conseil présidentiel, de Mohamed Younes Menfi, de Benghazi et comme premier ministre, d’Abdulhamid Dabaiba de Misrata devient réalité. Ce duo qui n’était pas favori s’installe et avec lui, la certitude que la paix est possible.
Adoubé par les trois-quarts des députés, le gouvernement représente toutes les régions et toutes les tribus du pays ; 5 femmes en sont membres et y occupent des ministères régaliens comme les Affaires Etrangères et la Justice. Le gouvernement concurrent de l’Est s’est auto-dissous, légitimant les nouvelles autorités nationales.
Qui plus est, le nouveau premier ministre a confirmé que le maréchal Haftar serait chargé de structurer la nouvelle armée nationale. Il sera instructif de vérifier la nature de la coopération militaire négociée à Ankara entre le premier ministre libyen et Erdogan cette semaine.
Dabaiba a d’ailleurs réservé son premier voyage à l’Egypte et au maréchal Al Sissi, quand le Président du Conseil Menfi se rendait, lui, à Paris, auprès d’Emmanuel Macron.
Si, en Libye tout est possible, rien n’est acquis car la tâche est colossale. Tout d’abord la sécurisation du territoire, ce qui passe par le désarmement des milices auxquelles s’est attelé le nouveau ministre de l’intérieur, Khaled Mazen ; ensuite, l’objectif le plus ardu, le départ des troupes étrangères, à savoir les mercenaires de la société Wagner, les mercenaires islamistes syriens et les militaires turcs. Benghazi et Tripoli en payeront-ils le prix en bases navales et aériennes pour leur parrain respectif, la Russie et la Turquie ? Ou devront-ils payer aussi en concessions pétrolière ou gazière ?
Et c’est l’autre défi à venir de la Libye, sa reconstruction. Dix années de guerre ont détruit une grande partie des infrastructures et des villes d’où l’immense chantier qui s’annonce et qui attire toutes les convoitises. Déjà le défilé des ministres européens a commencé. Néanmoins un quatuor se dessine pour participer au redressement du pays, France, Italie, Russie, Turquie ; d’autant que la Libye à capacité à financer sa reconstruction grâce à sa rente pétrolière de 1,6 millions de barils-jour ; soit le niveau de sa production pétrolière d’avant la guerre de 2011.
La France dont le président Macron a reconnu, en référence au passif de ses deux prédécesseurs, qu’elle avait « une dette » à l’égard de la Libye, vient de rouvrir son ambassade à Tripoli et désigner comme « Haut représentant pour la Libye », le commandant Paul Soler, un homme expérimenté, connu et respecté par toutes les parties libyennes.
Il appartient maintenant à nos entreprises d’oser prendre enfin « le risque libyen ».
Et les pays membres de l’Union européenne gagneraient à jouer collectif face aux turcs et aux russes. Et pourquoi, l’UE ne mettrait pas en route la procédure d’un Accord d’Association sur le modèle de ceux existants avec les pays du Maghreb. Ne serait-ce pas le meilleur moyen de rattacher la Libye à l’Europe et de renforcer enfin notre politique méditerranéenne.
Mais la première urgence sera la réconciliation nationale, le conflit avec l’OTAN et la guerre civile ont attisé les haines. Une Commission Nationale « Vérité et Réconciliation » sera probablement nécessaire à défaut d’être suffisante. Quand au chantier de la modification de la Constitution, il est indispensable pour rendre effective la volonté d’organiser les élections présidentielle et législative en décembre prochain. En effet, il faut y introduire le code électoral et l’élection du Président de la République.
La Libye est en train de sortir du cauchemar d’un conflit qui a failli la détruire. Il lui reste à construire un Etat moderne, souverain en coopération avec tous ses voisins, arabes, africains, européens.
Michel Scarbonchi
Ancien député européen, consultant international