« Huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures pour ce que l’on veut ! » scandaient les travailleurs à travers les États-Unis un certain 1er mai 1886. Ils étaient, selon les estimations, entre 300 et 500 000 à avoir suivi le mot d’ordre de grève générale pour exiger la réduction de leur temps de travail.
Dans le Chicago d’alors, centre industriel important, le mouvement ouvrier à ses balbutiements peinait à s’organiser. De leur côté, pour résister à la pression des travailleurs et leur volonté de changement, les patrons d’entreprises ne ménageaient pas leurs efforts. Ils n’hésitaient pas non plus à user de méthodes douteuses pour contrer les jeunes syndicats sans pour autant parvenir à briser l’élan populaire et la mobilisation. Le mouvement s’amplifiait, et en particulier, sous l’impulsion de la communauté allemande qui en 1860 représentait 20 % de la population de la ville. Une communauté politisée puisque nombre de ces immigrants avaient quitté l’Europe après les événements de 1848, ce qui leur avait valu le surnom de « Forty-eighters » – quarante-huitards.
En septembre 1884, la fédération des syndicats de travailleurs fixa la date du 1er mai 1886 pour l’instauration de la journée de huit heures. À l’approche du jour J, ils décidèrent d’une grève générale et de manifestations. En ce 1er mai historique, environ 80 000 personnes défilèrent pacifiquement dans les rues de Chicago. Le mouvement se poursuivit le 2 mai, et le 3, les grévistes qui se rassemblèrent devant les usines McCormick y rencontrèrent quatre cents policiers appelés par la direction pour protéger ses locaux. La police tira dans la foule tuant deux ouvriers. La mobilisation ne fléchit pas, et, le lendemain, la situation dégénéra, donnant lieu à ce qui resterait dans l’histoire le massacre de Haymarket.
Trois ans plus tard, en 1889, la deuxième Internationale socialiste réunie à Paris décida de faire du 1er mai une journée internationale de manifestations pour la réduction de la journée de travail à huit heures. Et c’est Jules Guesde, journaliste cofondateur du journal L’Égalité, qui lui donna son nom de « fête du travail ».
Au fil des ans, si les revendications ont changé, la tradition s’est installée, dans de nombreux pays. Puis, lentement, elle a perdu en substance.
Aujourd’hui, en France, la journée de huit heures appartient déjà au passé. Pour beaucoup le 1er mai n’est plus qu’un jour férié comme un autre. Il s’ajoute joyeusement aux autres jours chômés du mois. En ce début de printemps, il signifie surtout piqueniques et barbecues, voire mémorables bitures. Quelques semaines avant, au plus tard quand on pose ses vacances, on regarde son calendrier dans l’espoir qu’il tombe un jeudi histoire de faire un petit pont… Fini les manifestations populaires d’après-guerre. Nous jouissons, presque blasés, de ces droits que des hommes et des femmes ont conquis de haute lutte.
Alors peut-être en préparant notre sandwich merguez, « non, merci, sans moutarde », pourrions-nous leur dédier une pensée émue, vite fait, avant que ça refroidisse.
Ah oui, et le muguet ?
C’est une toute autre histoire qui daterait de Charles IX. Il aurait eu coutume d’en offrir comme porte-bonheur à toutes les dames de la cour au début du mois de mai.
Catherine Fuhg
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