Le 15 janvier dernier, Opinion internationale suggérait que les vaccins soient considérés comme patrimoine commun de l’humanité et donc, qu’ils revêtent du statut de médicament générique. Aussi ne pouvons-nous que nous réjouir que notre fidèle lecteur Joe Biden, tout comme d’ailleurs le tzar de toutes les Russies Vladimir Poutine, fasse sienne cette idée. En Europe, c’est la cacophonie et la désunion qui l’emportent. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, puis Emmanuel Macron avaient emboité le pas au Président américain, mais la chancelière allemande Angela Merkel a préféré se faire le relais du patron de Pfizer en s’opposant à la levée des brevets. L’Union européenne, déjà fragilisée par le Brexit, succombera-t-elle au Covid ? Jour après jour, la question gagne en pertinence.
Le Président américain est pragmatique. Il évoque les « circonstances extraordinaires » qui justifieraient la suspension temporaire des brevets. Or une pandémie d’une pareille ampleur correspond parfaitement à cette définition, en espérant qu’elle soit exceptionnelle. Mais si ce n’était pas le cas, on comprendrait d’autant moins que les populations des pays pauvres soient décimées et celles des pays riches appauvries par le virus, au nom du profit de quelques laboratoires.
Néanmoins, l’industrie pharmaceutique aurait-elle pu mettre au point des vaccins anti-Covid en un temps record, sans investissements massifs dans la recherche et le développement, et sans prendre des risques que seule la perspective de juteux bénéfices l’a conduit à prendre ? Force est de constater qu’aucun laboratoire public n’a mis au point le moindre vaccin contre le Covid. Fallait-il confier cette tâche au CNRS ou à l’INSERM qu’on a étrangement si peu entendu dans les débats sur la recherche sur le vaccin ? Autant essayer éteindre un incendie avec un verre d’eau !
Bien entendu, une pandémie est un jackpot pour les laboratoires, et a fortiori si le virus qui en est responsable est en mutation perpétuelle. Pfizer a déjà annoncé une augmentation massive de ses prix, en même temps que les premiers tests sur une nouvelle mixture prenant en compte les variants. On devra peut-être se vacciner au moins une fois par an, si l’on ne développe pas des remèdes, hypothèse qui provoque des cauchemars aux fabricants de vaccins, et les pousse à multiplier les actions de lobbying. On peut penser que la manne se répartira entre un nombre croissant de laboratoires, et que même nos tortues françaises, notamment Sanofi et Pasteur, finiront par proposer le leur… avant la fin de la pandémie !
Des remèdes non vaccinatoires ? Évidemment, une autre politique aurait été de miser massivement sur les traitements qui, de l’hydrochloroquine à la plante de l’artemesia, en passant par l’ivermectine, ont été sciemment écartés par de nombreuses puissances mondiales. Mais ce débat devra être posé et nous y reviendrons.
Lorsqu’en janvier, nous prêchions en faveur de la « génériquisation » des vaccins anti-covid, nous n’imaginions pas que le challenge des variants allait prendre de telles proportions. La grippe, c’est un vaccin par an contre une maladie dix fois moins mortelle que le Covid. Mais le coronavirus se caractérise par des mutations nombreuses et fréquentes (on a même évoqué le variant breton). Qu’il s’agisse de remèdes ou de vaccins, l’absence de profits hypothéquerait-elle dangereusement la recherche, et par conséquent la santé de tous les terriens (du moins de ceux qui peuvent s’offrir les potions protectrices ou salvatrices des Panoramix des temps modernes) ? Si l’être humain n’était pas si mercantile, défaut que le capitalisme a exacerbé, les vaccins, tous les vaccins, devraient être gratuits pour tous. Sauf que le CNRS n’est pas Pfizer !
L’administration Biden a fait savoir qu’elle « croit fermement en la protection de la propriété intellectuelle, mais au service de la fin de cette pandémie, elle soutient la renonciation à ces protections pour les vaccins Covid-19. » La demande est d’autant plus fondée que les laboratoires ont bénéficié de fonds publics.
L’OMS recherche un consensus. Mais quand on sait que l’Afrique du Sud et l’Inde, championne du monde des génériques, ont formulé la demande de « génériquisation » en octobre dernier et qu’une centaine de pays l’ont approuvée, on se dit qu’en coulisses, les laboratoires doivent freiner des quatre fers pour sauvegarder la poule aux œufs d’or. Si les Etats-Unis et l’Europe vont aussi dans le sens d’une suspension des brevets, le temps de vacciner au moins une fois la plupart des habitants de la planète, on peut espérer faire céder les laboratoires en évitant la voie coercitive.
Une vaccination massive de la population peut laisser espérer une disparition du virus avant mutation. Cette course semble hélas déjà perdue. De là à penser que cet échec collectif est une bonne nouvelle pour les fabricants de vaccins, c’est un pas auquel nous n’oserions céder…
Michel Taube
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