La chambre et le lit ont joué un rôle essentiel dans la vie et l’œuvre de Marcel Proust, l’un des plus connus des écrivains français au monde.
Né un 10 juillet 1871, à Paris, dans une famille aisée, Proust est asthmatique et donc de santé fragile. Enveloppé de gilets de laine, la poitrine protégée de coton, il compose un original hypersensible que Jean Cocteau a si bien croqué. Vivant de la fortune familiale, il entreprend, à 24 ans, l’écriture d’un roman, « Jean Santeuil » qui ne paraitra, à titre posthume », qu’en 1952.
Son œuvre principale demeure « A la recherche du temps perdu », commencée en 1907, avec 7 tomes publiés entre 1913 (« Du côté de chez Swann) et 1927, après sa mort.
Il obtiendra le prix Goncourt, en 1919, pour « A l’ombre des jeunes filles en fleurs ».
Son œuvre romanesque est une réflexion sur le temps et la mémoire ainsi que sur l’influence obsessionnelle du sommeil et les rêves sur nos vies mais aussi sur le talent du narrateur. Proust avait deux particularités, il vivait surtout la nuit, dormant peu le jour, et il écrivait surtout dans son lit !
Il s’allongeait dans son lit, repliait ses genoux, y posait un plateau d’argent sur lequel il posait ses feuillets et y écrivait, durant des heures, avec une plume qu’il trempait dans l’encre d’où sa très belle écriture manuscrite. Celui qui, dans un entretien au journal « Le Temps » prétendait vouloir écrire des « romans de l’inconscient », avait été marqué par la lecture de livres de psychologie, notamment de Freud, de l’anglais Ruskin, dont il avait traduit les ouvrages et par les livres de médecine de son père, ce qui lui permit de développer » son intuition de la mémoire involontaire ». D’où son « style proustien » dont Jean- Yves Tadié nous explique que son génie consista à réunir la profondeur de la connaissance et un style très original, style d’analyse, style poétique, style comique. La phrase, chez Proust est construite à la manière latine, à savoir structurée avec des images poétiques, des éléments de connaissance et comiques.
Et peu importe la longueur des phrases.
Le style de vie de Proust a impacté profondément son œuvre, alternant vie mondaine et retrait total pour écrire, entretenant la légende de deux vies, la mondaine et la recluse, le travailleur et le malade. En fait il a toujours balancé entre deux passions, l’une vers la chambre et le lit, l’autre vers le monde.
Bien que le mot « femme » soit d’après les experts de son œuvre littéraire, celui qu’il utilise le plus dans ses écrits et malgré plusieurs histoires d’amour, Proust était homosexuel et il avait des penchants « sadomasochistes ». Pour faciliter ses plaisirs, il alla même jusqu’à financer son ami Albert Le Cuziat, pour l’ouverture d’un bordel, l’hôtel Marigny où il passait de nombreuses nuits.
Il s’éteint, épuisé par l’écriture, d’une bronchite, en novembre 1922. Au même moment la Nouvelle Revue Française, publiait un extrait de la « Recherche sur le sommeil d’Albertine » qu’il avait intitulé « La regarder dormir. Mes réveils ». Le rêve étant un des thèmes majeurs de son œuvre, sa réelle méditation concerne en fait, le sommeil comme fabrique du rêve ou plus profondément le sommeil comme » accés à ce nulle part qui n’est que l’autre lieu de la littérature » pour citer Alain Vergnioux dans » le Télémaque 2007 ».
En somme, pour Proust, le sommeil est la surface qui sépare le visible de l’invisible, la frontière entre deux mondes, d’un côté, le réel, les activités mondaines, de l’autre, le monde des rêves ; d’un côté les certitudes du jour, de l’autre, les peurs de la nuit.
A ce propos, Proust à cette belle formule « le sommeil c’est comme un second appartement que nous aurions et où, délaissant le nôtre, nous serions allés dormir »
Michel Scarbonchi