L’édito de Michel Taube
« Je vous souhaite la bienvenue à bord du train de nuit numéro 5767 à destination de Nice-ville ». Le Premier ministre Jean Castex, flanqué du président de la SNCF Jean-Pierre Farandou, et du ministre délégué aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, a joué le chef de train avant de s’installer dans une célèbre couchette SNCF dans la nuit du 20 au 21 mai 2021.
Le voyage a dû rappeler ses vingt ans au chef du Gouvernement. Car rien, ou presque, n’a changé : banquette étroite, promiscuité maximale (sauf pour lui, tout de même !), confort spartiate, décoration inexistante… Quand on a vingt ans, on s’en fiche. Faut surtout que ça ne coûte pas cher et que ce soit convivial.
D’ailleurs, les reportages télévisés consacrés à ce grand retour du train de nuit sur Paris-Nice, retour qui lorsqu’il se préparait avait fait l’objet d’un des premiers articles de notre Saga du Lit, laissaient augurer d’une nuit joyeuse et arrosée. Les prix sont effectivement attractifs : 39 € dans un compartiment de quatre couchettes (ce que la SNCF appelle 1re classe), 29 € pour se retrouver à six, en seconde classe, et seulement 19 € pour un siège incliné, ce qui ne correspond pas vraiment à un train-couchette.
Cette piètre qualité des équipements (du vétuste à peine retapé) est déplorable, car elle cantonne le train de nuit à une sorte de voyage d’aventure pour moins de trente ans, à petit budget. Si l’on veut faire écolo, ce qui est le but de la résurrection des trains de nuit, et réduire les émissions de CO2, il faudrait, comme dans d’autres pays, séduire une clientèle plus large, telle que celle des voyageurs professionnels.
Voici à quoi ressemble le wagon d’un train de nuit autrichien ÖBB Nightjet. Certes, la compagnie propose également des compartiments à quatre et six couchettes, mais ils sont nettement moins vieillots que ceux de la SNCF. La compagnie française aurait dû demander conseil à Maison de la Literie, partenaire de la Saga du Lit !
Il se dit que la SNCF aurait compris qu’il n’y a pas que le TGV dans la vie, la sienne et la nôtre, et que la vitesse ne sert à rien quand on dort. Au contraire, le temps s’arrête et on en perd finalement moins qu’en voyageant vite, en journée. Aussi faut-il saluer le retour (pas encore en force) des trains de nuit, tout en espérant que la SNCF prenne conscience que les exigences qualitatives et esthétiques, même de nombreux jeunes, ne sont plus celles d’il y a 50 ans.
Pour l’heure, s’allonger sur une banquette SNCF est aussi un voyage dans le passé, comme si un automobiliste se mettait au volant d’une 4L ou d’une 2CV. Mais ne dit-on pas que le comble de la modernité, c’est le vintage ?
Bon réveil (sans trop de courbatures)*, Monsieur le Premier ministre !
Michel Taube
*Le premier ministre est remonté à Paris en avion !
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