Depuis plus de 50 ans, la France est atteinte d’un cancer égalitariste. Identifié en mai 1968 alors que l’Hexagone est en pleine croissance économique, la maladie est originellement d’obédience marxiste et repose sur la classique lutte des classes. Ses sinistres apprentis sorciers s’appellent Sartre, Foucault et de Beauvoir, ses « métastases » nationalisations, régimes spéciaux, 35 heures, ISF, retraite à 60 ans mais aussi islamo et climato gauchisme, théorie du genre, théorie décoloniale ou encore écriture inclusive. Quant à ses multiples symptômes ils se manifestent quotidiennement sous forme de chômage endémique, dette abyssale, dépenses publiques, fonction publique surdimensionnée, déficit de la SNCF, système éducatif en pleine régression, immigration incontrôlée et insécurité grandissante. Progressivement l’égalitarisme a gangréné toutes les couches de la société incluant le monde intellectuel, l’école, les partis politiques toutes orientations confondues et même les milieux économiques. Selon ses promoteurs gauchistes les plus radicaux tout devrait dorénavant être uniformisé : revenus et patrimoine mais aussi race, âge et même…sexe. Il y a plus d’un demi-siècle Simone de Beauvoir n’avait-elle pas écrit « on ne naît pas femme on le devient ». Cette maladie gravissime qui a progressivement conduit la France à la décadence et pourrait l’amener à l’effondrement total en moins d’une génération résulte d’une double méprise.
La première procède de la confusion entre égalité des droits et égalité des situations. La Révolution Française avait acté de l’égalité des droits dans le premier article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Un principe consécutif à la pensée des grands philosophes libéraux des Lumières dont l’anglais John Locke fut le père spirituel et Montesquieu le théoricien. Selon Locke, la loi doit éduquer la liberté car « là où il n’est pas de loi, il n’est pas de liberté ». Une phrase parfaitement résumée dans la devise française où le mot égalité fait bien référence à l’égalité des droits. Or, dès la fin du XVIIIème, ce principe est dévoyé par Jean-Jacques Rousseau qui introduit la confusion dans son célèbre ouvrage « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes ». Rejetant le principe de propriété le mot inégalité fait cette fois référence à la situation et non plus au droit. Et, contre toute attente ces deux visions de l’égalité sont antinomiques comme le montre remarquablement Alexis de Tocqueville. L’égalité des droits présuppose que personne n’est juridiquement supérieur et ce quel que soit sa situation : naissance, fortune, appartenance sociale, raciale, religieuse ou sexuelle. Ainsi punira-t-elle de la même amende un milliardaire ou un smicard se faisant arrêter pour excès de vitesse. Indolore pour le milliardaire elle aura un tout autre effet sur le smicard. Accroissant les écarts entre élites et masses non qualifiées, l’égalité des droits est un moteur inédit à creuser les inégalités de situations. Et, comme l’écrit très justement Tocqueville, les inégalités de situation générées par l’égalité des droits « sont d’autant plus frustrantes que par construction…elles deviennent justes ». L’égalité des situations demanderait réciproquement une inégalité des droits, un principe contraire à l’essence même de la démocratie mais aussi un surplus de normes aux dépens de la liberté. Liberté et égalité des droits sont cohérents alors que liberté et égalité des situations sont contradictoires. Ce que Tocqueville résume de façon magistrale en écrivant « liberté et inégalité (de situation) vont de pair de même qu’égalité (de situation) et servitude ».
La seconde méprise résulte de la confusion entre égalité et pauvreté. Dans l’imaginaire collectif, les inégalités de situation ne peuvent conduire qu’à un accroissement de pauvreté. En réalité c’est la proposition inverse qui est vraie : les égalités de situation sont toujours destructrices de richesses car elles suppriment tout mouvement et détériorent l’information. Il s’agit là d’un principe universel découlant du second principe de la thermodynamique que Sir Winston Churchill avait remarquablement résumé en écrivant « le vice inhérent au capitalisme consiste en une répartition inégale des richesses ; la vertu inhérente au socialisme consiste en une égale répartition de la misère ». Ainsi, la réduction du temps de travail s’inscrit dans une logique égalitariste où les heures des « suremployés » sont redistribuées aux « sous employés ». Or, en toute logique, la classe suremployée possède des compétences bien supérieures à la classe sous-employée. La réduction du temps de travail est donc un processus destructeur de richesses, les heures prélevées ayant une valeur économique bien supérieure aux heures redistribuées. A cette dégradation viennent s’ajouter la possible démotivation des employés subissant une inévitable modération salariale mais aussi la réaction des entreprises qui, subissant mécaniquement un accroissement du coût du travail, seront inévitablement encouragées à délocaliser vers des horizons économiquement plus profitables.
Le cancer égalitariste français ne peut donc conduire à terme qu’à la mort clinique du pays. Pourtant, les thérapeutiques sont connues : elles s’appellent retour aux 40 heures, retraites capitalisées à 65 ans pour tous, suppression totale de l’ISF, privatisation de la SNCF mais aussi sélection à l’entrée de l’Université retour aux méthodes d’enseignement analytiques, promotion de la réussite et de la compétition. Au contraire de l’inévitable modération salariale, l’accroissement du temps de travail aurait été la solution la plus efficace pour enrayer la spirale de la dette faisant suite à la pandémie du COVID 19. Un retour aux 40 h (payées 35h) et la suppression d’une semaine de congés auraient amélioré de 17% la productivité du travail français de quoi largement absorber la récession et réduire significativement le déficit post pandémie. Comme le notait très justement Proust « les faits ne pénètrent pas dans l’univers où règnent nos croyances ».
Philippe Charlez
Expert en Questions Energétiques à l’Institut Sapiens
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