Ah l’art de vivre à la française ! Dès demain, ce seront les retrouvailles avec ce que la France a de meilleur (parmi d’autres talents) : enfin libres les restaurants dont Deborah Rudetzki et Marginal Ray nous rapportent le boeuf (c’est le cas de le dire) musical de quelques grands professionnels de la gastronomie ! Dont Guy Savoy qui avait manifesté sa colère à la une d’Opinion Internationale en décembre dernier.
Dès demain, bistrots de quartier et restaurants d’hôtels, troquets et étoilés ouvriront non seulement leurs terrasses qui fleurissent sur les trottoirs depuis quelques semaines, mais également, leurs salles.
Des tables, des chaises, des assiettes et des couverts, et surtout, des femmes et des hommes qui piaffent depuis la deuxième fermeture covidienne du mois d’octobre. C’est long huit mois d’inactivité. Surtout lorsqu’il s’agit d’activités essentielles !
Dès demain, ils s’affaireront dans leurs cuisines, passant leurs commandes aux producteurs qui, eux aussi, ont beaucoup souffert de cette situation.
Dès demain, ceux qui auront survécu aux restrictions successives pourront accueillir presque normalement les chalands pressés de retrouver les zincs et les nappes blanches. Tout en s’adaptant avec joie au nouvel horaire, le Graal des 23h. Car on voit mal des dîners prolongés se terminer à 20h30 pour rentrer à temps. On n’imagine pas de célébrer un contrat en sabrant le champagne à 17h. On ne veut pas se dépêcher de finir un repas préparé avec soin par des cuisiniers talentueux, on préfère généralement repousser à plus tard. Ces horaires si stricts qui étaient là pour empêcher les regroupements intempestifs, on le comprend, ont néanmoins beaucoup affaibli toute une branche de la gastronomie qui fait la fierté de la France.
Dès demain, ceux qui n’ont pas de terrasses (ils ne sont qu’un quart des restaurants en France à en posséder une) retrouveront les visages souriants des privilégiés qui auront réservé. Il faut dire que la jauge à 50 % limite aussi les possibles et que les gourmets se sont précipités pour mettre la main sur les rares tables disponibles.
Déjà, la fréquentation d’un site de réservation bien connu, s’était emballée à l’annonce du plan de déconfinement le 29 avril dernier. La plupart des établissements de la capitale, par exemple, affichent complet, montrant bien le véritable attachement des Français à l’art de vivre, en attendant que les touristes, encore timides, ne s’engouffrent également dans les établissements historiques et les gargotes de quartier.
Dès demain, les bars et cafés où les jeunes prennent plaisir à se croiser pourront à nouveau servir des bières dégoulinantes et des cafés aux étudiants en mal de contacts. Cela fait quelques semaines qu’ils ont commencé à se lâcher, enfreignant — comme tant d’autres — sans trop de scrupules le couvre-feu. Mais là, officiellement, ils pourront papoter des heures durant devant une pinte, se rencontrer, s’aimer, se disputer… comme tout le monde, finalement. Et terminer à 22h45, un peu éméchés, mais si heureux de cette liberté retrouvée. Car quelle jeunesse a envie de rester enfermée ? Qui peut se rendre compte à 20 ans que l’existence n’est pas éternelle ? Qui comprend que se protéger, c’est aussi protéger les autres ? Difficile de voir le côté sombre du monde quand on a la vie devant soi.
Dès demain, enfin, commencera cette deuxième phase du troisième déconfinement (vous suivez ?) qui annoncera un début d’été, où l’on pourra rentrer chez soi quand le soleil sera couché, où l’on pourra dîner à l’ombre des arbres des Tuileries, sur le port de Marseille ou dans les winstubs strasbourgeois.
Restons couverts (masques et distances physiques) mais vivement demain, en attendant le 30 juin.
Michel Taube
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