En déplacement dans la Drôme dans le cadre de son « Tour de France des territoires », Emmanuel Macron a été giflé par un homme, issu de la mouvance des gilets jaunes pour les uns, appartenant à la mouvance d’extrême droite pour les autres, à en juger par le cri entendu au moment des faits : « Montjoie Saint Denis. À bas la Macronie ! »
L’individu avait saisi le bras du président avant de le gifler… ou d’essayer de le faire. L’Élysée évoque une « tentative de gifle », ce que les images semblent confirmer, même si la joue présidentielle a peut-être été effleurée par la main factieuse. De ce point de vue, pas de gravité, donc. Sauf que cela aurait pu être bien pire : coup de poing, arme blanche ou à feu…
Est-ce grave, docteur ?
Sur les news TV, la baffe tourne en boucle et les politiques se bousculent pour dénoncer la forfaiture. De l’extrême droite à l’extrême gauche, tous y vont de leur couplet d’indignation. À l’Assemblée nationale, le Premier ministre Jean Castex appelle au « sursaut républicain ». Certains en profitent pour tout ramener à leur petite personne, comme Jean-Luc Mélenchon : « Cette fois-ci vous commencez à comprendre que les violents passent à l’acte ? Je suis solidaire du Président », a ajouté le leader islamogauchiste sur Twitter, au lendemain d’un dérapage complotiste particulièrement abject (il en a remis une couche en jugeant « suspect » la panne d’Orange) et d’une vidéo retirée par YouTube qu’il avait interprétée comme un appel au meurtre. Mélenchon a dû oublier qu’il prônait l’insurrection et la révolution aux grandes heures des Gilets jaunes. S’il n’était pas sur la sellette, on aurait même pu s’attendre à ce qu’il voie un complot dans cette gifle.
Pourtant, même si l’intégrité corporelle d’Emmanuel Macron n’en a pas été affectée, il y a bien quelque chose de grave dans ce geste. Grave pour la démocratie, grave pour la paix sociale, grave pour la France, un pays où les représentants de l’État, jusqu’à son sommet, n’inspirent plus aucun respect à une fraction croissante de la population. La violence s’est banalisée et fait vaciller la concorde républicaine.
En 2007, François Bayrou, candidat à la présidentielle, avait giflé un enfant qui fouillait dans ses poches. Il avait gagné 4 points dans les sondages. Cet incident va-t-il faire bondir la popularité du président ?
Si ce geste est symptomatique de la déliquescence de la société, dans laquelle Emmanuel Macron a sans doute une part de responsabilité en n’ayant pas rétabli l’autorité de l’État depuis la crise des gilets jaunes et en s’étant délecté de concentrer sur sa personne tous les pouvoirs et leur charge symbolique, alors il y a bien gravité et danger.
Ce geste doit de toute évidence être dénoncé, sanctionné, condamné avec fermeté.
Le concours d’éloquence et de grandiloquence auquel s’abandonne la classe politique a néanmoins quelque chose d’excessif. Trop point n’en faut, car a fortiori quand on est aussi critiqué et parfois détesté qu’Emmanuel Macron, et qu’on va malgré tout au contact de la population, ce type de péripétie ne peut être exclue. Le tour de France du chef de l’État, déjà en campagne électorale et dans le coup de com’ permanent, a quelque chose d’indécent alors que la France est encore convalescente, et pour tout dire malade, de la crise de la Covid.
Ce n’est pas une raison pour considérer cette agression comme un risque du métier, mais il faut garder le sens de la mesure. Non, la France n’en est pas sortie meurtrie, du moins pas plus qu’elle ne l’est déjà, et ce ne sont pas tous les Français qui ont eu le sentiment d’être giflés ainsi que l’assènent certains.
Lors des prochaines élections régionales, LREM recevra une claque d’une tout autre ampleur. Au sens figuré, elle est toujours acceptable. Pas sûr qu’Emmanuel Macron partage cette analyse en mai 2022…
Michel Taube