L’homme passe sa vie dans ses chaussures ou dans son lit, dit-on souvent. Il est donc logique que de nombreuses scènes cinématographiques se déroulent dans ce dernier. Discussion de couple, scènes d’amour ou de dispute, le lit fait partie de la vie courante. Néanmoins, parfois, la fantaisie prend le dessus quand matelas et sommiers deviennent oniriques et que les réalisateurs laissent parler une imagination débridée. Alors, les lits se retrouvent dans les lieux les plus étranges, théâtre de situations bizarres ou angoissantes et autorisent les rêves les plus singuliers.
Les lits fantastiques
Dans l’incontournable Magicien d’Oz, le lit de Dorothy se met à voler et à tourbillonner pour symboliser le passage dans le monde d’Oz. Pris dans la tempête, il est la bouée de sauvetage « over the rainbow ».
De même, l’Apprenti Sorcier de Walt Disney, basé sur une nouvelle de Goethe, montre un Mickey dépassé par des lits planants. Dans la version plus moderne (1971) et plus féminine, intitulé L’Apprentie Sorcière, le lit est utilisé tel un tapis volant.
Toujours côté aérien, le corps de Maria s’élève cette fois au-dessus du lit dans Le Miroir de Tarkovski dans une séquence mémorable.
Mia Farrow, dans la première scène fantastique de Rosemary’s Baby, a l’impression que son lit flotte. Tout au long de ce classique de Polanski, la femme enceinte sera victime d’étrangeté de cet ordre.
Encore façon mode de transport, les lits se mettent à rouler dans Le grand amour de Pierre Etaix. Le héros rêve et le voilà sur la route dans son véhicule magique. Il croise d’autres lits qui, en se percutant, forment bientôt un embouteillage sans fin. L’inventivité des réalisateurs va parfois se nicher dans les recoins les plus insolites…
Les lits de la peur
Dans un style très différent, le Sin City de Franck Miller, montre un lit en cœur rouge, qui, vu du haut, s’éloigne petit à petit dans les ténèbres. Dans ce film majoritairement en noir et blanc, le regard est alors attiré, la passion soulignée et le lit devient symbole de tentation et de mort. Plus anxiogène, Kubrick fait monter la tension entre Jack et son fils Danny dans The Shining. Nicholson est assis sur le lit et assure à l’enfant qu’il ne lui fera aucun mal. Le reflet dans le miroir, le sourire de l’acteur et les violons nous portent à croire que ce ne sera pas le cas. La suite nous donnera raison.
Dans Gerald’s Game (Jessie en VF), toujours d’après Stephen King, la chambre à coucher est le lieu principal mettant en scène toute l’horreur psychologique dont est capable Mike Flannagan qui narre les aventures de l’actrice Carla Gugino se retrouvant seule et liée par son mari mort d’une crise cardiaque.
Le lit n’est pas non plus fait pour rassurer dans Birdy. Alan Parker l’a apposé sur l’affiche avec un Matthew Modine perché dessus. De nombreuses séquences seront tournées autour de cet objet qui devient cage.
En parlant d’enfermement, l’exemple le plus flagrant est certainement le lit de Misery dans lequel se déroule une grande partie du long métrage. La groupie dérangée incarnée par Kathy Bates y attache en effet son idole romancier interprété par James Caan.
C’est également le cas d’Antonio Banderas qui retient prisonnière Victoria Abril avant qu’elle ne cède au syndrome de Stockholm dans le Attache-moi de Pedro Almodovar.
Dans Poltergeist de Tobe Hooper, écrit par Steven Spielberg ou Sixième Sens réalisé par M. Night Shyamalan, c’est sous le lit que la frayeur se terre.
Sans parvenir à de telles extrémités faites de revenants et de créatures étranges, l’une des dernières scènes du film d’Alfred Hitchcock, Rebecca, montre le lit brûlant du manoir de Mandalay en feu. Incarnant la fin du cauchemar pour le couple (Laurence Olivier et Joan Fontaine), l’incendie symbolise la nouvelle vie qui s’ouvre à eux.
Les lits poétiques
Sur une note toujours fantastique, mais plus poétique, nous terminerons par le petit bijou qu’est Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Dans ce film, les personnages interprétés par Jim Carrey et Kate Winslet se retrouvent dans un lit sur une plage. Parfait exemple de scènes d’une poésie inouïe et d’une ode poignante à l’amour façon Michel Gondry (notre photo). À (re) voir sans modération, bien calé entre les oreillers de votre lit (normal).
Deborah Rudetzki