Naftali Bennet, chef d’un parti de droite nationaliste très minoritaire, prend temporairement la tête d’un gouvernement de coalition hétéroclite. Une chance pour la résolution du conflit israélo-palestinien ?
On le dit souvent, et même on le constate comme une constante dans la politique des hommes : des conflits sociaux aux crises internationales, les durs, que l’on qualifie parfois de faucons, sont plus enclins à trouver des compromis et parfois à réaliser une « paix des braves », que les prétendues colombes. Dans le conflit israélo-arabe, c’est le leader historique du Likoud, Menahem Begin, qui fit la paix en 1978 avec le président égyptien Anouar el-Sadate, lequel avait voulu anéantir Israël cinq ans plus tôt, lors de la Guerre de Kippour.
Plus récemment, Benjamin Netanyahou renoua avec plusieurs pays arabo-musulmans, en particulier les Émirats arabes unis et Bahreïn dans le cadre des Accords d’Abraham initiés par un autre faucon, Donald Trump, mais aussi le Maroc ou le Soudan, en attendant peut-être l’Arabie Saoudite. Même le conflit récent entre Israël et le Hamas palestinien ne brisa pas cet élan.
Après quatre élections consécutives, les combinazione résultant du scrutin proportionnel israélien sont venues à bout de plus de douze ans de règne de Netanyahou. Quel sera son bilan ? Il fut le grand ordonnateur de coalitions qui lui ont permis de rester au pouvoir, au prix de concessions à la droite religieuse, non pas tant en termes géopolitiques, mais principalement en avantages sociaux et budgétaires. En revanche, il s’est efforcé d’affaiblir l’Autorité palestinienne, laquelle lui a considérablement facilité la tâche par sa corruption endémique et son obstination à vendre à son peuple une Palestine arabe remplaçant intégralement Israël, très loin du leitmotiv diplomatique « deux États pour deux peuples ».
Car au-delà des spécificités des gouvernements israéliens, la question israélo-palestinienne ne se confond plus, ou du moins se confond moins, avec la question israélo-arabe, même si les missiles du Hamas ont notamment eu pour objet de les lier.
Qui sera le faucon palestinien capable de reconnaître Israël en tant qu’État à majorité juive, de le faire devant son peuple, d’en tirer les conséquences pratiques en termes de coopération et d’échanges, comme cela se dessine entre Israël et les Émirats arabes unis ? On doute que ce soit le Hamas, et on sait que Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, est trop corrompu et affaibli pour être l’homme de la situation. Il n’est ni faucon ni colombe. Quelle que soit l’attitude du nouveau gouvernement israélien, il faudra peut-être attendre sa succession pour que puisse être tentée l’ultime chance de voir un État palestinien se créer en Cisjordanie (mais quid de Gaza ?).
Côté israélien, force est de constater que le gouvernement est une mélasse complètement invraisemblable allant de l’extrême droite à l’extrême gauche, et incluant même un parti arabe islamiste. Le premier objectif de cette coalition est atteint : dégager Netanyahou ! Il faut espérer que son ambition ne s’arrête pas là.
Il a été convenu que le dirigeant du parti Yamina (« À droite »), Naftali Bennet, serait Premier ministre durant deux ans, avant de passer la main au leader du centre et ancien journaliste de télévision, Yair Lapid, véritable homme fort et centre de gravité de ce gouvernement.
Longtemps membre de la droite religieuse, défenseur des colons et allié de Netanyahou, Naftali Bennet (son portrait par Catherine Fuhg à lire dans Opinion Internationale) est le premier chef de gouvernement israélien à porter une kippa (calotte). Il s’est pourtant progressivement détaché de la radicalité politico-religieuse et des orthodoxes juifs, mais reste perçu comme un dur, un faucon, qui vole désormais dans les courants ascendants de la gauche et même de l’extrême gauche israéliennes, pourtant très minoritaires. Le parti du nouveau Premier ministre est tout aussi minoritaire, n’ayant obtenu que 7 sièges sur 120 au Parlement, contre 17 pour le parti Yesh Atid de Yaïr Lapid et 30 pour le Likoud du sortant Benjamin Netanyahou. En attendant l’alternance à la tête du gouvernement, Lapid (son portrait par Catherine Fuhg à lire dans Opinion Internationale) sera ministre des Affaires étrangères, un poste clé dans la perspective d’une évolution des relations israélo-palestiniennes.
Où en seront les Palestiniens en 2023, lorsque Lapid, nullement perçu comme un faucon, prendra les rênes du pouvoir (si la coalition tient jusque là !) ? En seront-ils encore à se déchirer entre les islamistes fanatiques du Hamas, soutenus par Téhéran et le Qatar, qui aspirent à tuer tous les Juifs et imposer la charia universelle, et les pantins corrompus de l’Autorité palestinienne, tenant d’un double discours qui a fini par exacerber de nombreux pays arabes ?
Dans une démocratie, le poids du chef de l’État ou du gouvernement n’est jamais celui du dictateur dans une autocratie. Outre Begin et Netanyahou, faucons de droite, la prétendue colombe de gauche qu’était Yitzhak Rabin avait signé les Accords d’Oslo avec Yasser Arafat en 1993. La dichotomie entre faucons et colombes s’avère souvent être une fiction politique ou une simplification journalistique. Rabin fut bien plus ferme qu’on le fit croire. Et Arafat fut perçu par certains comme une colombe et par d’autres comme un faucon.
En Europe, et tout particulièrement en France, on attend du « fort », qui est Israël, qu’il fasse un geste en faveur du « faible », la Palestine (ou du moins les Palestiniens puisque la Palestine n’existe pas juridiquement). Pour que cet encouragement soit fondé, encore faut-il que l’interlocuteur soit fiable, à défaut d’être sincère. La paix peut aussi émerger d’une situation nouvelle rendant matériellement impossible le retour au conflit. Israël et Palestine ne devraient pas être plus éloignés de la paix que la France et l’Allemagne le furent en 1945. Sauf que le IIIème Reich et le régime de Vichy furent des parenthèses, certes tragiques, pour ces deux démocraties.
Les démocraties ne se font jamais la guerre, raison pour laquelle l’émergence d’une vraie démocratie palestinienne faciliterait grandement la quête de cette paix si attendue et encore si lointaine. Espérons alors que le Moyen-Orient entre peut-être dans une nouvelle ère…
Michel Taube
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