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06H25 - mercredi 23 juin 2021

Faut-il rendre le vote obligatoire en France ?

 

Le premier tour des élections régionales s’est terminé avec un taux de participation ridicule puisque seul un français inscrit sur trois s’est déplacé aux urnes. Tous les hommes politiques ont avancé sur les ondes les arguments habituels qui leur convenaient expliquant pour les uns qu’il s’agissait de l’expression d’une colère contre les partis (sauf le sien !) en général, le gouvernement en particulier, pour les autres d’un rejet des élites et des institutions démocratiques. Rares sont ceux qui se sont avancés à considérer que, compte tenu du beau temps, les Français avaient préféré flâner face à une bière fraiche en terrasse ou se déplacer dans leur maison de campagne plutôt que de se déplacer dans sa mairie ou son école. D’autant que la situation était très particulière : le couvre-feu a été annulé depuis moins d’une semaine et de nombreux cadres sont toujours en télétravail hors de leur circonscription. Le chiffre n’en reste pas moins alarmant : moins d’un français sur trois s’intéresserait à l’avenir de sa région alors que celle-ci porte pourtant de nombreuses compétences notamment en matière économique. Revenant aux causes, deux principales ressurgissent face à cette désaffection massive : la colère qui serait porteuse d’un véritable message (même si la chaise vide n’est jamais une solution très constructive) et le désintérêt.

Pour trancher la question de l’abstention, il est indispensable de regarder comment a évolué le vote dans les pays où celui-ci est obligatoire. Tel est le cas « outre Quiévrain » où depuis l’indépendance du Plat Pays en 1831, l’article 62 de la Constitution  considère que voter n’est pas un droit, mais un devoir civique. Tout citoyen convoqué est tenu de se déplacer dans l’isoloir sous peine de sanctions qui vont de quelques dizaines d’euros à la première infraction jusqu’à plusieurs centaines en cas de récidive. Si l’électeur déserte les urnes à 4 reprises pendant un délai de 15 années, il est rayé des listes électorales pour 10 ans. En outre, durant ce laps de temps, il ne pourra recevoir aucune nomination ni promotion d’une autorité publique. Résultat, en Belgique 100 % des inscrits se déplacent pour voter. Et, bien entendu, le vote blanc comptabilisé est l’une des options possibles si aucun candidat ne correspond à vos aspirations. En suivant la logique de la colère (qui existe tout autant en Belgique qu’en France), le nombre de votes blancs aurait dû s’accroitre de façon significative depuis une vingtaine d’années. Pourtant il n’en est rien : il est resté rigoureusement constant autour de 10 % depuis le début de ce siècle. Et, à quelques encablures près ce chiffre se retrouve quand on remonte dans le temps : durant les années 1960 et 1970, les votes blancs étaient de l’ordre de 7 %.

Autrement dit quand on impose à l’électeur de se déplacer aux urnes, à une écrasante majorité il prend position, car se sent davantage concerné. Au contraire, quand on lui laisse le choix c’est sa fainéantise qui l’emporte le plus souvent. Si une faible partie de l’électorat marque incontestablement sa désapprobation via l’abstention, la plupart des abstentionnistes sont guidés par la paresse et le désintérêt.

La question du vote obligatoire que le député François Puponi a clairement mise sur la table dimanche soir lors d’un débat sur CNews n’est toutefois pas le seul levier pour réduire le taux d’abstention. Les médias devraient davantage miser sur la pédagogie en expliquant notamment les tenants et les aboutissants de telle ou telle élection détaillant les différentes compétences des institutions dont le millefeuille est souvent illisible pour la plupart des Français. Malheureusement, business oblige, les médias se sont davantage intéressés au « coup de gueule » du ministre de la Justice dans les Hauts de France plutôt que d’expliquer les compétences administratives des régions qui sont des énormes machines à distribuer les subventions. Enfin, le vote gagnerait à sortir du « Moyen Âge » et à intégrer son époque en généralisant le vote numérique à distance. Il donnerait à l’électeur davantage de souplesse dans un monde qui a changé du tout au tout depuis les trente glorieuses. Ainsi les nombreux télétravailleurs toujours confinés en dehors de leur circonscription n’auraient pas été privés de vote.

 

 

Philippe Charlez

Expert en Questions Energétiques à l’Institut Sapiens

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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