Edito
09H56 - mercredi 23 juin 2021

A qui profite vraiment la « guerre des gangs » en Haïti ? L’édito de Michel Taube

 

Des affrontements entre gangs secouent la capitale depuis plusieurs semaines. Derrière les apparences, cette instabilité qui fait le jeu d’une opposition hostile au référendum constitutionnel semble causée par quelques oligarques dont les intérêts sont menacés par les réformes entreprises par le président haïtien.

Depuis plusieurs semaines, des gangs violents tentent de prendre en otage Port-au-Prince dans le but de terroriser et d’extorquer la population. Même si la police lutte fermement pour reprendre le contrôle de certains quartiers en état de siège, ce climat particulièrement délétère met en danger la bonne marche de la démocratie haïtienne, voire la tenue du scrutin référendaire. 

Ce chaos créé et alimenté semble avoir directement pour but la préemption du référendum, afin d’empêcher toute réforme qui viendrait nuire à certains intérêts bien implantés dans le pays. Une situation qui favorise le statu quo sclérosant que veulent maintenir les oligarques afin de protéger leurs intérêts du principal objectif du mandat de Jovenel Moïse, à savoir démanteler une grande partie du système de corruption en place depuis des décennies. Les oligarques, maîtres et bénéficiaires de ce système qui leur permettaient de voler des milliards chaque année à l’État et au peuple dans les secteurs de l’électricité, des produits pétroliers, de la construction des routes et de la monnaie ont réagi brutalement à ces réformes mises en place avec succès par le président haïtien. 

Depuis quatre ans, à travers la sponsorisation de la violence des gangs et des tentatives de coup d’État, ces oligarques corrompus et leurs alliés tentent d’installer un gouvernement de transition pour défendre leurs intérêts. Ils sont contre le référendum constitutionnel qui changera pour toujours ce système et les élections législatives et présidentielles qui permettront au peuple de décider de son avenir. Face à ce projet autoritaire des oligarques, le peuple Haïtien, la diaspora et le gouvernement constitutionnel ont choisi la démocratie, les élections.

Parmi ces oligarques, on peut citer Dimitri Vorbe ou bien Reginald Boulos que nous avions déjà présentés. Selon Dieudonné, habitant du quartier Bel Air (son prénom a été changé pour préserver sa sécurité), ces derniers sont d’ailleurs à l’origine d’une grande partie des attaques : « Depuis deux semaines la population et l’État font face à une offensive des gangs coordonnée par deux oligarques corrompus Boulos et Vorbe ». 

Toujours selon Dieudonné, les gangs des oligarques ciblent en particulier des quartiers favorables au président, tels que Martissant (quartier de Port-au-Prince). Mais aussi des infrastructures publiques : « Ils ont tenté de faire brûler la centrale électrique varreux [nationalisée en 2018 ndlr] située dans la même zone en utilisant le chef de gang Mathias ».

Les gangs bénéficient également d’une très forte coordination : « Tandis que dans l’entrée Nord, les gangs de Ti Gabriel et Iska ont attaqué plusieurs commissariats de police, des entreprises du côté de l’aéroport et bloqué la route nationale No.1 Le gang de Ti Joel opérait dans la zone de Bel Air, centre de la capitale, ciblant ainsi les masses populaires des milieux urbains de Port-au-Prince, très favorables au référendum constitutionnel». Ils ont en outre accès à un armement très important, manifestement importé. En effet, la densité de l’armement des gangs et leur coordination impliquent des moyens de planification et de logistique qui ne pourraient être fournis que par de forts apports de capitaux privés et des filiales internationales de contrebande. 

Pour faire face à la violence des gangs sponsorisés par les oligarques Reginald Boulos et Dimitri Vorbe qui attaquent la population et la police, le gouvernement Haïtien a fait appel à l’assistance technique des experts spécialisés dans la lutte contre le banditisme venant des Nations Unies, des États Unis, de Colombie avec pour objectif, le renforcement les capacités de la police nationale. Des conversations similaires sont également en cours avec le Salvador qui applique une stratégie appelée « la main dure » contre les gangs qui en huit mois a réduit de 70% les gangs dans le pays.

 

Restaurer la démocratie et l’Etat de droit

Sur le plan politique, le président Jovenel propose aujourd’hui au peuple souverain haïtien un nouveau texte constitutionnel qui permettra de donner une plus grande stabilité et marge de manœuvre au gouvernement, depuis des années en état d’instabilité permanente. Tout en incluant la diaspora haïtienne, jusqu’ici mise de côté des destinées nationales.  

Momentanément reporté du fait de la crise du Covid, le scrutin référendaire reste la priorité du président. Il s’agira d’un tournant politique majeur, avec un texte qui aura mobilisé toutes les forces vives du pays dont la contribution de 100 experts, 150 partis politiques et 1500 associations issues de la société civile. De son côté le gouvernement a déjà déposé 33 millions de dollars américains dans le basket funds pour ces élections. L’Office National d’Identification a déjà délivré 4.6 millions de cartes d’électeurs à une population électorale estimée entre 5.5 et 6 millions selon l’Institut Haïtien des statistiques. Rappelons enfin que l’ensemble du déroulement du scrutin sera supervisé par l’OEA et la BINUH par souci de transparence démocratique. 

Pourtant, la presse internationale persiste à ne traiter la situation que sous les seuls éléments de langage de l’opposition. Selon eux, les actuels troubles du pays seraient dus au comportement dictatorial du président Jovenel Moïse, qui ne voudrait pas quitter le pouvoir : il a pourtant bien prêté serment en février 2017 pour un mandat de cinq ans, conformément à l’article 134 de la constitution. Un angle de vue fallacieux qui par ailleurs fait une impasse totale sur le projet de constitution démocratique très largement approuvé par la population selon l’ensemble des sondages, ainsi que sur le bilan contre la corruption du président Jovenel Moïse. 

 

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

 

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