Edito
08H57 - mercredi 30 juin 2021

Guinot pourfend L’Oréal en justice pour espionnage

 

Le 14 juin 2021, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société L’Oréal à verser à la société Guinot, leader sur le marché des instituts de beauté, 300.000 euros de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice résultant de la perte de chance de développer son réseau à l’international et à 70.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En outre, L’Oréal s’est vu interdire par les juges toute exploitation des savoir-faire tirés d’enquêtes déloyales dénommées « exploration des pratiques de soins du visage anti-âge auprès des esthéticiennes » mais qui relevaient plus de l’espionnage. Le jugement fera l’objet d’une publication dans deux revues, en France et aux États-Unis et, comble de l’humiliation, sur les sites Internet de L’Oréal en France et aux Etats-Unis pendant 90 jours et ce de manière lisible.

Guinot demandait à ce que soient reconnues et sanctionnées des pratiques que la PME considère comme relevant de l’espionnage industriel en rétorsion suite au refus de son PDG Jean-Daniel Mondin d’être racheté par le géant mondial. La justice vient de lui donner raison. Opinion Internationale s’était fait l’écho des prémices de l’affaire à plusieurs reprises en 2017.

Cet acte d’espionnage est d’autant plus scandaleux que L’Oréal se fait décerner chaque année des prix de l’éthique et que sa propre Charte d’éthique enjoint ses dirigeants à être irréprochables.

Force est de reconnaitre que les éléments du dossier ont révélé des actions contraires à ces engagements de la part des décisionnaires de L’Oréal. Le tribunal a relevé que le géant avait envoyé un prestataire (sur lequel il tentait de se défausser) dans les enseignes de Guinot sans mentionner le nom du commanditaire, afin de s’approprier des éléments de son savoir-faire sous couvert d’une étude de consommation.

A ce jour, étrangement, L’Oréal qui se déclare surpris par le jugement, n’a pas estimé bon de faire appel.

Cette affaire n’est pas la seule qui oppose les deux entreprises : concomitamment le 26 février 2021, Guinot avait fait condamner L’Oréal par le Tribunal judiciaire de Paris pour dépôt frauduleux de la marque Masters par le géant mondial. Guinot avait acheté la marque Masters au groupe L’Oréal en 2001 qui ensuite l’avait déposée pour l’exploiter dans le cadre de l’activité « Gemey Maybelline ».

Un coup de poignard dans le dos de Guinot qui possédait et exploitait déjà ses marques Masters et Masters Colors. Mais aussi une concurrence frauduleuse au regard de la loi, a jugé le tribunal. L’Oréal devra donc abandonner les marques estampillées Masters sur des produits cosmétiques.

 

Revenons à notre première affaire d’espionnage. En juillet 2017, L’Oréal avait porté plainte pour chantage et menaces. Plainte classée sans suite.  Jean-Daniel Mondin avait porté plainte en dénonciation calomnieuse et compte bien désormais, fort de ces décisions de justice, obtenir gain de cause. Il s’en était expliqué dans une vidéo qui avait fait grand bruit dans le landernau feutré des cosmétiques début 2021.

Ces jugements illustrent d’abord la toute-puissance dont se croit investi le leader mondial des cosmétiques. Si on ne peut acquérir une marque (Guinot), on rachète son concurrent (Carita) et on s’approprie le savoir-faire de la société qu’on n’a pu racheter.

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Jean-Daniel Mondin

Ces pratiques déloyales nuisent ensuite à la bonne marche des affaires et ternissent l’image des acteurs de l’économie. L’opiniâtreté de Jean-Daniel Mondin mérite d’être soulignée. Ses engagements devraient avoir valeur d’exemple pour ceux qui ne veulent pas se laisser intimider et écraser par plus gros et plus arrogant.

 

Michel Taube

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Directeur de la publication