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12H48 - vendredi 2 juillet 2021

Forum Génération Égalité

 

Les discriminations envers les femmes sont une préoccupation de l’ONU, l’Organisation des Nations unies. Elle y a consacré quatre conférences mondiales. La première s’est déroulée au Mexique en 1975, suivie de Copenhague en 1980, de Nairobi en 1985 et de Pékin en 1995. Par la suite, l’organisation onusienne se contenta d’une évaluation quinquennale de la situation des femmes dans le monde, jusqu’à 2021, où Emmanuel Macron accueillit du 30 juin au 2 juillet à Paris la seconde et dernière étape du « Forum génération égalité » (la première se déroula au Mexique en mars), une grand-messe comme le chef de l’État les aime, reprenant le flambeau laissé à Pékin en 1995. Thèmes principaux du show : l’égalité des sexes, l’éducation des filles et la lutte contre les violences sexuelles, en particulier dans le cadre de la pandémie de Covid.

De nombreuses activistes féministes du monde entier ont porté haut la voix des femmes à Paris pendant trois jours. Comme nous le confie dans un entretien Fanny Benedetti, directrice exécutive d’ONU Femmes France, « la génération Egalité est plus forte que les conservatismes anti-féministes ». IVG, instrumentalisation du corps de la femme, excision, (presque) tous les sujets ont été traités, comme en témoigne l’analyse de Jessica Borges.

Si on peut se réjouir que le sort des femmes soit un souci de l’ONU, on peut néanmoins douter de son efficacité quand un si grand nombre d’États ne font pas montre d’exemplarité en la matière. L’ONU dans son ensemble comme la plupart de ses organes, et toutes les organisations internationales qui en dépendent, fonctionnent selon le principe d’un égalitarisme de façade (un pays, quelles que soient sa taille, sa puissance et sa population = une voix). Appliqué au droit des femmes, cela a notamment débouché en 2018 sur la condamnation de la France par un « comité d’experts » de l’ONU pour avoir interdit la dissimulation du visage dans l’espace public. En novembre 2020, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, dans lequel siègent des pays aussi démocratiques et respectueux desdits droits humains que l’Afghanistan, l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Irak, la Libye, le Pakistan ou le Venezuela, s’était inquiété du contenu de la proposition de loi « pour une sécurité globale ». Au grand plaisir d’un Mélenchon maximo mais certainement pour nos valeurs cardinales.

En France et dans de nombreux pays occidentaux, les pouvoirs publics se sont efforcés d’agir sur deux terrains : celui des discriminations des femmes, notamment au travail, et celui des violences faites aux femmes, qu’elles soient physiques, morales ou sexuelles.

En octobre 2017 éclata l’affaire Harvey Weinstein, du nom d’un important producteur de Hollywood coupable de harcèlement et d’agressions sexuelles, notamment sur des actrices. Avant et surtout après cette affaire, les révélations se multiplièrent au sujet des notables de la politique, des arts, du show-business ou des médias, accusés d’agissements allant du harcèlement au viol, notamment par le biais des réseaux sociaux, en particulier Twitter avec le fameux hashtag #metoo, puis en France avec #balancetonporc. On peut y ajouter le fait que le président de la République Emmanuel Macron avait déclaré l’égalité entre les femmes et les hommes « grande cause nationale » du quinquennat.

En France, depuis une vingtaine d’années, on assiste à une véritable frénésie législative, qui s’est accélérée après le « Grenelle des violences conjugales »*, autre grand-messe qui se tint à l’automne 2019…

Que peut apporter de plus ce Forum génération égalité, si ce n’est de mettre en lumière la détermination d’Emmanuel Macron déjà en campagne pour sa réélection, et donner bonne conscience à l’ONU et à ceux de ses membres qui considèrent les femmes comme des sous-hommes, quand ce n’est comme des choses, des biens, propriétés de l’homme ? Alors qu’en France, deux nouveaux débats viennent d’émerger sur le voile islamique, en l’occurrence celui porté par un assesseur d’un bureau de vote et la question estivale su burkini dont le vert pastèque Eric Piole, nouvellement candidat à la présidence de la République, voudrait verdir toutes nos plages et nos piscines cet été, on voudrait que l’ONU et le législateur français affirment haut et fort que voiler les femmes est un acte de discrimination, de domination, de soumission forcée (une soumission consentie, cela n’existe pas), dans lequel certains pseudo féministes, parfois proches de l’extrême gauche indigéniste, voient la quintessence du féminisme et de la libération des femmes. 

Bien entendu, – nous avons passé en revue le programme abondant -, le Forum génération égalité (un titre très marketing) ignore superbement ces questions et plus généralement le sort de femmes en terre d’islam, et le fait qu’en Occident, en particulier en France, la progression du fondamentalisme est le pire ennemi de la cause féministe. Rappelons que nombre de femmes musulmanes sont plus radicales en France qu’en Iran ou aux Émirats arabes unis, et que l’islam politique a brisé l’élan de libéralisation des mœurs (et des femmes) qui avait soufflé sur de nombreux pays arabo-musulmans dans les années 1960 et 1970.

Le discours d’ouverture du chef de l’Etat fut à l’image de la situation : sur la défensive ! Lisez plutôt : 

« […] Des femmes qui voulaient simplement être libres de conduire sont pointées du doigt, d’autres qui revendiquent simplement de ne pas porter un voile ou d’avorter, sont menacées. C’est une réalité aujourd’hui, au moment où nous nous parlons ici au Louvre, et nous sommes là aujourd’hui pour leur dire non seulement notre soutien, mais pour dire que leurs combats sont les nôtres. »

Et militer pour que moins de femmes portent le voile islamique ? Se pourrait-il être une priorité de la diplomatie dite féministe macronienne ?

Le Forum génération égalité est un grand show où quelques stars mondiales de la politique pourront faire leur tour de piste, comme Angela Merkel, Justin Trudeau et quelques autres dirigeants comme le Mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador, le Kényan Uhuru Kenyatta ou le Sud-Africain Cyril Ramaphosa. S’y ajoutent des personnalités de la société civile, comme la philanthrope Melinda Gates ou la Prix Nobel irakienne Nadia Mourad, et plusieurs militantes des droits des femmes dans le monde.

Fondamentalement, il ne sortira pas grand-chose de cette conférence, pas davantage que de tous ces forums ultra médiatisés dont notre président raffole : femmes, environnement, valeurs républicaines, police, justice…  Les « Grenelles » et autres « Ségur » se succèdent, tout comme les lois dont l’application laisse trop souvent à désirer. En matière d’ordonnance de protection (rendue par le juge aux affaires familiales pour protéger les femmes victimes de violence dans le couple), de bracelet anti-rapprochement ou de sensibilisation au respect des femmes, la France est très en retard sur de nombreux pays, notamment l’Espagne (en 2018, 39.176 ordonnances rendues en Espagne contre 3.321 en France). 

Les femmes victimes de discriminations et de violences, et les associations qui les soutiennent réclament des moyens et des actions concrètes. Les discours enflammés, les grands-messes internationales, les Grenelles et les lois non appliquées ne suffisent à convaincre. Ils ne sont pas fondamentalement inutiles, mais on ne peut qu’avoir le sentiment que près de 50 ans après la première conférence de l’ONU consacrée aux femmes, leur sort ne s’est que marginalement amélioré dans les démocraties modernes, et qu’il s’est souvent dégradé dans les pays qui veulent nous donner des leçons rarement voilées, c’est le cas de le dire, en matière de droit de l’Homme et de non-discrimination des femmes.

 

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*- Loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (définition du harcèlement sexuel au travail).

– Loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle (dite loi Copé-Zimmermann).

– Loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel (suite à la censure de la loi de 2002 par le Conseil constitutionnel).

– Loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. Elle crée l’ordonnance de protection.

– Loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, qui introduisit les agissements sexistes dans le Code du travail.

– Loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

– Loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme de la justice, qui étend le placement sous surveillance électronique mobile des condamnés pour violences conjugales. 

– Loi « Elan » (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018, comportant un volet « protection des victimes » (dispense de payer leur part de loyer en cas de violence de la part de leur conjoint).

– Loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

– Loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.

– Loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

 

 

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Directeur de la publication