Par le biais de la pandémie, cette année, les festivals d’Avignon et Cannes se déroulent à la même période. Le premier début le 5 juillet, le deuxième, le 6. Le premier a vu le jour en 1947, le second en 1946. L’un et l’autre mettent la culture au service de la réinvention de nos sociétés. En 2021, après un an d’hiver sans spectacle et sans cinéma, les deux festivals dialogueront. De nombreux contenus de la 75ème édition d’Avignon sont accessibles dans la rubrique « audiovisuel » du site www.festival-avignon.com entre autres des captations de spectacles, des reportages, des extraits, etc.
On notera tout de même qu’à Avignon, sur les 48 metteurs en scène de la sélection officielle, 24 sont des femmes. Quand on veut, on peut. Cannes est, à ce titre, beaucoup moins exemplaire…
Mais tous deux font rayonner la France par le biais de l’expression artistique, de la Croisette au Palais des Papes. En effet, pendant les quinze prochains jours, tous les regards culturels seront tournés vers l’Hexagone.
« Et si la Culture n’était pas la recherche du temps perdu, mais la recherche du temps à venir ? Et si nous pouvions, par le poème et la réunion des bonnes volontés, changer ce qui a été, en lui donnant d’autres conséquences ?, interroge Olivier Py, le co-directeur du Festival d’Avignon. Ce dont l’homme a le plus besoin, c’est de destin, et la politique est poétique quand elle ouvre pour tous des possibilités nouvelles, particulièrement pour ceux dont le destin a été nié. Mais qui répond au besoin de destin intime, intérieur, secret ? C’est le poétique qui devient politique quand il agit sur le désir, le transforme, lui donne forme, le rend légitime, enviable, et possible.
Voilà ce que devrait être la Culture, non pas un grand musée mémoriel et nostalgique, mais le lieu même d’une effraction du possible. Le spectateur devrait pouvoir applaudir une représentation en recueillant en lui des forces nouvelles et prophétiques. Dans l’idéal, il faudrait quitter le théâtre en se disant que demain sera différent, que c’est le premier jour de la seconde partie de sa vie, parce que notre désir a été transformé, parce que notre besoin de vie plus digne, plus juste, plus ouverte a été confirmé ». Il en est de même avec le cinéma qui offre un point de vue souvent plus populaire, plus « facile » d’accès.
Mais les relations d’Avignon avec le cinéma ne s’arrêtent pas à un point de vue politique.
Avignon s’ouvre en effet avec la pièce de Christiane Jahaty, Entre chiens et loups, inspiré du film de Lars Van Trier, Dogville. Dans ce spectacle présenté dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, le vécu vient en grande partie de la friction entre un espace théâtral où le spectateur est participant actif, et l’espace cinéma où le spectateur est plus passif face à l’écran. « Je travaille donc sur le partage d’une tridimensionnalité explique Christiane Jahaty. Un écran au fond de la scène montre le registre de l’expérience que les comédiens/participants sont en train de filmer et qui, progressivement, se révèle comme une fenêtre ouverte sur leurs pensées et leur inconscient ».
Par ailleurs, transfuge du cinéma, Isabelle Huppert interprète une mater dolorosa dans la Cerisaie de Tchekov. Le metteur en scène, Tiago Rodrigues imagine un tempo secret, allegro vivace, et est convaincu que la dernière pièce du dramaturge russe traite de « l’inexorable puissance du changement ».
« Lioubov Andréïevna Ranevskaïa est une héroïne tragique dans un drame comique, précise Tiago Rodiguez. Comme les grands personnages tragiques, elle n’a plus aucun espoir alors que les autres personnages en sont encore nourris. Tous ne savent pas encore ce qui va se passer, mais ils comprennent que les années qui s’annoncent seront très différentes de celles qu’ils ont toujours connues ».
On peut également évoquer Caroline Guiela Nguyen qui proposera ‘Fraternité, Conte fantastique’ (du 6 au 14 juillet à la FabricA), second volet d’une trilogie sur la fraternité. Le premier volet, quant à lui, est un court-métrage réalisé avec les détenus de la maison centrale d’Arles.
« J’ai toujours eu envie de faire entrer une caméra dans ce lieu clos, presque interdit, cachée des regards. Avec eux, j’ai souhaité imaginer un conte et investir le champ du fantastique », explique Caroline Guiela Nguyen.
Marcos Morau donnera Sonoma (du 21 au 25 juillet), une pièce sur ‘les violences patriarcales et religieuses faites aux femmes’ inspirée par le réalisateur Luis Buñuel. Le langage chorégraphique singulier de Marcos Morau nous attire aux frontières du réel avec une force tellurique impressionnante. Entre mélopées traditionnelles et rythmes hypnotiques, folklore et modernité, le créateur espagnol rend hommage à l’univers du réalisateur de Belle de Jour.
« Buñuel est une référence pour de nombreux créateurs d’images en Espagne, estime Marcos Morau. Y revenir, c’est revenir à l’histoire du cinéma espagnol et revisiter la tradition avec une perspective actuelle. Nous avons travaillé à la composition de tableaux vivants, chargés de colère, où l’ironie a une place importante, cachée ou soulignée ».
Alors pour tous les amoureux du spectacle et du cinéma, rendez-vous pour deux semaines de rires et de larmes, de drames et de sociologie, de politique et de tragédies.
https://festival-avignon.com/fr/edition-2021/programmation/par-date
Deborah Rudetzki
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