Les dernières élections régionales ont connu une abstention record qui a fait couler beaucoup d’encre. Chacun y a été de son analyse et de sa proposition pour lutter contre l’abstention. Je vous propose une autre lecture.
Au passage, tout le monde a parlé et parle des régionales et très peu ont évoqué les élections départementales. Lorsque deux scrutins sont simultanés, les projecteurs ne sont braqués que sur l’un des deux, rarement voire jamais les deux. Si nous souhaitons mobiliser les électeurs, peut-être faudrait-il commencer par mettre pleinement en lumière chaque élection. En découplant les calendriers, ou en fusionnant mandat départemental et régional, les élections départementales pourraient mobiliser différemment les électeurs et éviter de pâtir de l’abstention possible aux élections régionales.
Mais surtout, interrogeons-nous sur le mode de scrutin aux élections régionales, à savoir le scrutin par liste.
Qui peut citer le quatrième sur la liste pour laquelle il a voté ? Qui peut citer le troisième ? Le deuxième ? Le premier quand dans son département la tête de liste n’est pas le candidat ou la candidate à la présidence de la Région ? Inutile de ramasser les copies ou de faire tourner les logiciels des instituts de sondage. Quasiment personne, même parmi les observateurs éclairés, ne pourrait répondre à ces simples questions. Les électeurs ont voté pour des étiquettes politiques, pour des listes et non pour tel ou tel conseiller régional. À part pour la présidence de la région, il n’y avait aucune incarnation. Les électeurs ne pouvaient identifier les candidats, leurs futurs conseillers régionaux.
N’est-ce pas dans ce manque d’incarnation qu’il faudrait chercher une des raisons majeures à la désaffection des Français, à leur abstention massive ? Lorsqu’il y a incarnation et enjeu, il y a participation. Sans enjeu, sans incarnation, les électeurs préfèrent aller à la pêche ! Si nous voulons renouer le lien entre les électeurs et leurs élus, il nous faut abandonner les scrutins par liste et opter pour un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, comme aux élections législatives, un scrutin classique dans les respirations démocratiques de nos concitoyens, un scrutin qui les mobilise lorsqu’il y a un enjeu. Certes il faudra découper les territoires, mais nous le faisons déjà avec les cantons et les départementales, et cela entrainera peut-être aussi la fusion des élections départementales et régionales, en les transformant en élections territoriales.
Ce scrutin uninominal, personnifié, incarné, a également un autre avantage. Il évite que les partis ne placent leurs apparatchiks sur les listes. Il évite que les partis ne profitent de ces élections pour offrir à leurs cadres, ou à leurs amis, des postes d’élus rémunérés. Il permet au contraire la rencontre entre une personne et son territoire, entre une personne et ses électeurs. Exactement ce qu’aiment les Français et ce qui les fait se déplacer pour voter.
Alors bien sûr, cela ne satisfera pas Monsieur Bayrou, adorateur du scrutin proportionnel, et donc de facto du scrutin par liste, de ses dérives et de l’abstention qu’il entraine. Tant pis pour lui et tant mieux pour nous.
Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers