Pourquoi évoquer en cet été 2021 un homme à la jambe gelée ? Un guerrier (1715-1747) mort à trente et un ans, à la suite de guerres, de campagnes dont tout le monde a oublié jusqu’au nom ? Vauvenargues, l’insolent marquis, qui jamais ne plia, si ce n’est aux sollicitations répétées de Voltaire d’écrire et finalement, qui écrivit si bien ? À qui on doit cette phrase si urgente : « Qui sait souffrir peut tout oser ».
L’été 2021 s’ouvre sur un paysage dont nous savons tous qu’il n’est qu’un décor. À droite, les touristes satisfaits, ayant abaissé leurs masques de carnaval pour retrouver le monde d’avant, leurs bagnoles, leurs embouteillages, l’autoroute, la maison de belle-maman, l’île de Ré, Arcachon ou Valence, et les barbecues pas si loin de la piscine, avec plage ou montagne en arrière-plan. On dort, on bronze, on s’imagine hors du temps. On en relirait presque Pierre Benoit, dont l’œuvre complète voisine dans la bibliothèque avec celle de Jean d’Ormesson… Une douce sieste. D’autant que les élections locales se sont révélées un succès, un vrai scrutin censitaire sans prolétaires – tous s’étant abstenus- et, finalement, qu’on soit de droite ou de gauche, la nomenklatura « a tenu ». Toutes les régions demeurent tenues par des « gens qu’on connaît ». Pas de surprise à l’horizon. Peut-être même le rêve du retour à ce monde d’avant…
Pour preuve, un quarteron de présidents de région propose une primaire, ce qui – il est vrai- constitue en soi une vraie avancée de la démocratie. Mais non ! Vous le savez bien, indulgent lecteur, on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve.
Je n’ai pas la moindre retenue pour affirmer que la prochaine élection est à la fois décisive et… totalement incertaine, pour ne pas dire chaotique. Certains ajouteront qu’à cette heure, les silhouettes falotes des uns des autres sont fatalement floues, que la campagne aiguisera les profils, et que la surdiplômée ou le représentant de commerce trouveront en eux la substance, le cœur, la dimension qu’on osera bien qualifier divine, enfin, cette chose qui fait de l’expression du premier des Français un peu plus qu’un chef d’Etat.
Henri Queuille, président du Conseil de la quatrième république, se disait satisfait de ne pas être reconnu dans la rue. Le brave Henri a gagné, tout le monde l’a oublié, ainsi que « l’immense œuvre » qu’il laisse derrière lui. Pouvez-vous en citer un seul exemple, hormis le néant ? Que cela plaise, que cela déplaise, Charles de Gaulle avait raison : La France ne peut s’imaginer sans la grandeur.
Mais pas n’importe laquelle !.. Que de boursouflures ont encombré nos pages d’histoire ! Mais là, maintenant, la Covid, variant delta ou oméga, ce n’est pas Henri Queuille ! ça existe ! La mort a cessé d’être bannie du vocabulaire… et cet ami qui s’avoue, non pas fatigué mais « lessivé » après avoir hébergé malgré lui cet hôte, cette autre, qui vient de nous quitter discrètement, juste avant l’été… On est loin de la chauve- souris et du pangolin, et vingt autres carabistouilles que nos Buzyn Véran et autres nous ont servies depuis un an et plus !
Je ne crois pas aux primaires de la droite, je crois qu’il faut cesser d’offrir le flan aux ennemis de la démocratie. Car comment nommer cette bureaucratie, non élue, organisée en pouvoir d’Etat pour abattre, en plein processus d’élection, le gêneur, celui qui ne pense pas conforme, qui rejette écriture inclusive et sectes lobbies encalminés dans l’Etat, et horizontaliser tout homme à programme –on oubliera que 4 millions et demi de Français avaient légitimé un Fillon qui n’est politiquement plus qu’une ombre – au profit de minorités qui, elles, tôt ou tard, seront à leur tour, éliminées. Et sans douceur.
Les minorités agissantes ont tort de croire proche leur avènement. Les anges de Byzance, en mai 1453, n’avaient peut-être plus de sexe, mais les cimeterres réglèrent la question. Vous ne voulez plus de genre ? Vous aurez le voile.
Il est faux de penser que l’Histoire puisse s’arrêter. Cette fin de l’Histoire est un rêve d’homme. La géologie règne. Et cette sensation de l’été 2021 est bien celle-ci. Le volcan, le Vésuve bruisse chaque nuit, et nos candidats au Sénat nous parlent de TVA ou retraites alors qu’il s’agit de tout autre chose. Tout le monde le sait, tout le monde le sent. Aucun n’est à la hauteur des enjeux. Et celui qui ose parler déplaît, parce qu’il parle du Volcan. Dormez bien, braves gens, aimez-vous, gentes dames et beaux amants. Vous n’en serez que plus reconnaissables dans deux mille ans, dans votre gangue de lave refroidie.
Non ? Alors, relisez Vauvenargues ! en urgence .
Jean-Philippe de Garate
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