La république n’est pas un état naturel. Et la démocratie encore moins.
1. On l’oublie, mais on oublie tout : la république
nécessite que les hommes soient devenus des citoyens, c’est-à-dire qu’ils soient debout – et pas des serfs, des esclaves- et sachent dire « non ». Longtemps, la république aristocratique de Venise (697-1797) apparut comme un modèle. Le doge n’était qu’un seigneur parmi les seigneurs. La république est, dans son essence, aristocratique. La révolution (1789) devenue républicaine (1792), ce ne sont pas les aristos qui deviennent des roturiers, mais c’est le peuple qui accède aux droits de gens debout. C’est bien pour cela que la res publica française, ou les formes électives des monarchies bourgeoises, ne connaissait que le scrutin censitaire, et que Guizot jusqu’au bout (1848) s’opposa au suffrage universel.
2. La démocratie qui suivit, exige, elle, encore davantage :
il faut que les citoyens soient des citoyens construits, à peu près équilibrés, instruits, chaque voix valant une autre. C’est un des plus tristes constats : cela était vrai, cela l’est de moins en moins, cela s’éloigne de nous. La démocratie se meurt, la démocratie est morte. Ou presque.
3. L’état naturel, c’est la barbarie. Elle nous guette.
Pour passer de la démocratie à la barbarie, on peut distinguer diverses étapes, diverses glissades, puisque c’est de chute qu’il s’agit : une de ces étapes, de ces stades, c’est la tyrannie. Nous en avons des exemples célèbres, les différentes glissades ayant été très rapides. Alors qu’Auguste (moins 63 av. J.C. – 14 après J.C.) régnait sur Rome (moins 27 av. J.C. – 14 après J.C.) avec une autorité qui rendit possible la paix civile – après moult vicissitudes – son fils adoptif Tibère, empereur de 14 à 37 après Jésus Christ, même s’il est « réévalué » par les historiens contemporains pour la sagesse de sa politique impériale, a laissé l’image déplorable du vicieux de Capri. Le citoyen ne peut être un porc, l’empereur encore moins. Parce que les porcs ne sont pas debout, ou pas longtemps.
Or, dans notre nouvelle époque, un peu loin de Yvonne de Gaulle (1900-1979), qui incitait le président à écarter des gouvernements les divorcés et se retira chez des religieuses après la mort du général, toutes les vertus civiques ont fondu. Ce n’est pas une question morale, c’est une question politique. Il n’y a plus de république avec des gens déconstruits qui, clairement, ne sont pas à leur place, l’archétype en étant Benalla, chef de cabinet de Macron et matraquant des manifestants. Des gens sans réelle instruction – quels que soient leurs diplômes, titres, etc- qui « disruptent », des gens qu’on sent perturbés, et qui tendent à rendre impossible le débat public. Strate après strate, Macron et les siens, ce que je nommais dès 2017 les lessiveurs, disqualifient leurs contradicteurs davantage qu’ils leur répondent. Une tension électrique est palpable dans tout débat public. Nous sommes passés dans une ère déraisonnable, dont les blouses blanches et autres experts seraient les magiciens. Heureusement, nombre de Français savent encore dire « non ». Nous sommes donc, encore, en république.
Mais la démocratie, elle, a volé en éclats. La première cause en est la chute vertigineuse du niveau scolaire moyen, et les mensonges d’Etat pour calmer les minorités, notamment communautaires, d’une inculture citoyenne à pleurer. Auparavant, on ne dissociait pas la participation à la guerre du droit d’être citoyen et électeur. Chaque bulletin de vote n’a désormais plus le même poids, c’est l’évidence. Puisque – qui osera enfin le dire ? – certains Français, en cas de conflit, seraient clairement du côté de l’adversaire. On ne voit d’ailleurs pas au nom de quoi certains parlementaires ne seraient pas déchus de leur mandat, dès lors qu’ils se retranchent eux-mêmes (ou elle-même) du caractère « national » de l’Assemblée nationale.
La deuxième cause en est le rôle d’une certaine magistrature, hiérarchisée, cloisonnée, autiste car non élue, à l’abri de tout (Hollande François parlant d’une « institution de lâcheté »), et qui, clairement, a perdu tout sens du Politique. Son sport favori est de « dégommer à tout va » ce qui n’est pas elle. L’ancien juge que je suis peut en témoigner : la magistrature n’a pas de projet politique, n’a aucune vision historique, encore moins stratégique. Mais elle est pétrie de culture provinciale, et se satisfait d’empoisonner la vie de tel ou tel dont la manière de penser et de s’exprimer lui échappe, l’archétype en étant Bernard Tapie, mâle mal élevé, mais riche, ancien politicien ayant l’outrecuidance insupportable de dire en face ce qu’il pense et de résister, de résister encore… Le profil-type de ce qu’une certaine gent féminine provinciale, majoritaire à plus de 80 pour cent à l’école de la magistrature et évoluant dans un monde secret, pour ne pas dire clandestin, d’entre-soi, de corridors, de loges, ne peut supporter. Cela incite certains d’entre eux de s’immiscer dans les rouages de la démocratie, sans respect pour l’usage de la pause électorale, ce temps du peuple, des citoyens, des électeurs. Le temps passant, « l’affaire Fillon » apparaîtra comme un tournant décisif de cette chute. Rappelez-vous les primaires de fin 2016. Un sommet dans la démocratie en France, avec la participation de quatre millions de Français. Et, on l’oublie, mais on oublie tout (bis), l’irruption d’un candidat qu’on n’imaginait pas : Fillon, et non Sarkozy ou Juppé. Un candidat avec un programme accessible au peuple, annoncé, discuté sur la place publique : l’agora, le forum.
Cette richesse a été volée à la France par une minorité active, qui n’a, elle, aucun sens du Politique, et de la démocratie. Puisque le « cabinet noir » des quatre -tout sauf des mousquetaires ! – clandestin, pas encore révélé au public, n’a pas attendu l’élection pour enrayer le cursus normal de l’élection. Et, malgré lui, constater qu’il n’en retirait que de maigres profits. Clairement, le cabinet noir voulait Hollande, il a eu Macron.
Macron, il est vrai, s’est révélé « Hollande au carré » : si on résume tant d’incidents, événements survenus ces dernières années (2017-2021), on constate un effondrement des usages démocratiques. L’énumération en serait trop longue, mais le deuxième épisode du quinquennat, la Covid, a permis à un pouvoir visant, peut-être sans le programmer, la tyrannie, de casser les reins des gilets jaunes qui, eux, mettaient en péril le pouvoir vertical. La meilleure preuve de ce qui précède est la peur qu’inspire désormais une primaire. Puisque la primaire a ouvert trop de portes et fait reculer l’obscurité. Est-ce en ouvrant la porte de la forteresse nationale qu’on a laissé les barbares et des profils tyranniques s’infiltrer dans la Cité ? L’alliance objective entre une certaine magistrature, celle du cabinet noir et ses affidés, d’un pouvoir se réduisant au président disrupté et des forces désormais nombreuses, de destruction, pour être baroque, n’en constitue pas moins la cause majeure de la mort de notre démocratie. Il serait utile aux républicains de s’en rappeler. Car après les démocrates, ce sera leur tour. Puis d’autres encore, jusqu’à rejoindre la barbarie.
Jean-Philippe de Garate
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