© Carole Bethuel
Elle n’est que la deuxième femme à avoir jamais remporté le prestigieux prix. Après Jane Campion en 1993 pour La Leçon de Piano, c’est la Française Julia Ducournau qui décroche la Palme d’Or à Cannes. Sur les 24 films, elle était également la benjamine de la compétition. Avec ce palmarès, le jury, présidé par Spike Lee, a clairement fait le choix de décerner le prix le plus convoité à un film totalement décalé. Transgressif, violent, étrange, radical, le film n’a pas fait l’unanimité de la critique. Vincent Lindon y campe un pompier sous stéroïdes aux côtés d’une guerrière mutante interprétée par une nouvelle venue, Agathe Rousselle, dont on n’a pas fini d’entendre parler.
« Après une série de crimes inexpliqués, un père retrouve son fils disparu depuis 10 ans.
Titane : Métal hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs ». Tels sont les mots sibyllins qui résument ce film hors-norme.
Affectionnant les prothèses, les effets spéciaux et les mutations corporelles depuis Junior (court métrage réalisé en 2011), elle mêle les registres dans Grave en 2016 — drame gore cannibale aux pointes comiques — et poursuit cette exploration avec Titane.
Adoubée par le réalisateur américain M. Night Shyamalan, Julia Ducournau qui a fait du film de genre body horror dès ses premiers courts métrages, est en passe de devenir la cheffe de file d’un mouvement hexagonal engagé. À sa palette de registres, elle ajoute une touche de science-fiction revisitée. La couleur également prend une place prépondérante, à la limite de la saturation, comme un clair-obscur en contraste avec le scénario ténébreux. Titane aborde la violence « comme début de quelque chose, comme mise à mal de fondations qui durent depuis trop longtemps » explique la réalisatrice. Il est aussi question de filiation et d’amour, ou plus exactement « une histoire de la naissance de l’amour ».
Julia Ducournau a déclaré lors de la remise de la palme : « Il y a tant de beauté et d’émotion à trouver dans ce qu’on ne peut pas mettre dans une case. Merci au Jury d’appeler à plus de diversité dans nos expériences de cinéma et dans nos vies. Et merci au Jury de laisser rentrer les monstres. »
Parmi les autres distinctions, citons le prix d’interprétation masculine décerné à Caleb Landry Jones dans « Nitram » qui revient sur les évènements qui ont conduit à la tuerie de Port Arthur en Tasmanie, en 1996.
Le prix d’interprétation féminine est allé à la Norvégienne Renate Reinsve dans le film « Julie (en 12 chapitres) », un film qui parle du couple et des difficultés d’une relation quand les désirs divergent.
Pour sa première récompense à Cannes, le Français Leos Carax a décroché le Prix de la mise en scène pour « Annette », comédie musicale avec Adam Driver et Marion Cotillard qui a fait l’ouverture de cette 74ème édition.
Le Grand Prix quant à lui a été attribué ex aequo au cinéaste iranien Asghar Farhadi pour Un héros — son quatrième film présenté à Cannes — et au réalisateur finlandais Juho Kuosmanen pour Hytti ndo 6 (Compartiment n°6) qui narre la rencontre entre une Finlandaise et un Russe le temps d’un voyage en train entre Moscou et Mourmansk, au nord du cercle polaire.
L’autre film qui a fait sensation pendant cette semaine cannoise, « Memoria », repart avec le Prix du Jury, après avoir été honoré de 15 minutes de standing-ovation lors de sa projection. Le réalisateur thaïlandais qui avait reçu la Palme d’Or en 2010 pour Oncle Bonnmee, Apichatpong Weerasethakul partage son prix avec l’Israélien Nadav pour « Le Genou » d’Ahed, un film qui évoque les contradictions d’Israël à travers les thèmes de la création artistique et de la censure.
Un palmarès qui fut à la hauteur de cette édition où aucun film ne se détachait réellement, laissant ainsi la place à la surprise, malgré la gaffe d’un Spike Lee fatigué, annonçant la Palme d’Or en lieu et place du prix d’interprétation masculine.
Enfin, alors que l’actrice réalisatrice américaine Jodie Foster s’est vu remettre une Palme d’or d’honneur lors de la Cérémonie d’ouverture le 6 juillet dernier, c’est le cinéaste italien Marco Bellocchio (La Marche Triomphale, Le Diable au Corps, Le Traître, Marx peut attendre) qui a reçu cette distinction à son tour en clôture pour son exceptionnelle carrière.
Un bon cru 2021 qui ne nous donne qu’une envie : retourner très vite à Cannes l’an prochain !
Deborah Rudetzki
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