Les Jeux olympiques, dont l’édition 2020 débute officiellement (avec un an de décalage) ce vendredi 23 juillet 2021, sont la plus grande compétition sportive de la planète, même si en termes de nombre de téléspectateurs et de passion, la Coupe du monde de football, à peine moins universelle, lui dame le pion.
Les téléspectateurs (pour les JO de Tokyo, les compétitions se dérouleront quasiment à huis clos, Covid oblige) n’aimeraient n’y voir que du sport et du spectacle. Une féérie à la gloire (et parfois la fortune) des reines et rois du stade, un moment de communion universelle où différences et divergences s’estompent. Tout le monde il est beau et tout le monde y est gentil.
L’envers du décor y est malheureusement parfois bien triste.
Les performances athlétiques sont elles-mêmes sujettes à caution, tant le dopage est reépandu dans le haut niveau. La Russie de Vladimir Poutine est d’ailleurs bannie des jeux de Tokyo pour avoir organisé un dopage d’État, comme à l’époque de l’Union soviétique. Décision hypocrite du Comité international olympique (CIO), diront certains, car sous d’autres latitudes, le dopage est organisé au niveau des fédérations, des équipes ou des sportifs individuels. On se souviendra par exemple du Canadien Ben Johnson, champion olympique du 100 mètres à Séoul en 1988, si gonflé aux stéroïdes anabolisants qu’il ressemblait à un Bibendum. Comme d’autres (un certain Lance Armstrong au Tour de France cycliste), sa plus grande faute a-t-elle été de se doper ou de se faire prendre ? Les performances souvent médiocres des athlètes français s’expliquent-elles par leur « propreté » ? Les 48 médaillés français des JO de Rio en 2016 ont su pourtant briller ! Bravo les artistes !
Oublions cela. Vive le sport ! Mais avec des instances sportives internationales aussi troubles que le CIO, l’aveugle est vraiment celui qui ne veut pas voir.
D’abord, l’opacité et l’entrisme régissent la désignation de ses membres. Son ancien président Avery Brundage, fut suspect de proximité avec les nazis avant la Seconde Guerre mondiale. Il n’eut d’ailleurs pas un mot pour les athlètes israéliens assassinés par un commando palestinien durant les JO de Munich, en 1972. Son successeur Juan Antonio Samaranch fut secrétaire des sports de Franco. Que du beau linge !
Ensuite, le show olympique est devenu une énorme source de profits pour le CIO : droits télé vertigineux, sponsoring délirant, comptabilité opaque, cahiers des charges imposés aux villes organisatrice incitant aux plus folles dépenses, jusqu’à plonger certaines d’entre elles dans une grave et durable crise budgétaire, comme Athènes en 2004, Rio en 2016, Tokyo certainement en 2021 (et Paris en 2024 ?). La désignation des villes organisatrices est d’ailleurs tout aussi obscure. Régime autoritaire, violation des droits de l’Homme (exemple parmi tant d’autres : 1,5 million de Chinois ont été expulsés de leur domicile, selon l’ONG COHRE, pour les besoins des JO de Pékin en 2008)…, toutes ces considérations sont ignorées par le CIO. Brisbane a été désigné hier pour les JO de 2032, après ceux de Los Angeles en 2028… Espérons que la protection de l’environnement y sera une priorité absolue.. On peut toujours rêver…
Bien entendu, les mêmes interrogations valent pour la Coupe du monde de football. Doit-on rappeler que la prochaine édition se déroulera au Qatar, une grande démocratie laïque, qui jamais n’a financé le terrorisme islamique, respecte les femmes et a fait bâtir ses stades dans les meilleures conditions de travail ?
Les Jeux olympiques et le sport en général sont aussi des événements politiques. Comme le rappelle l’excellent documentaire diffusé par France Télévision, Adolf Hitler l’avait bien compris, à Berlin, en 1936. Tommie Smith et John Carlos également, qui sur le Podium du 200 mètres lors des JO de Mexico, en 1968, levèrent leur poing ganté, symbole du « Black Power » pour protester contre la ségrégation aux États-Unis. Et que dire du boycott des JO de Moscou en 1980 par les États-Unis et certains de leurs alliés, auquel répondra le boycott du bloc soviétique quatre ans plus tard, lors des « JO Coca Cola » de Los Angeles ?
Stop ! Ça suffit ! C’est l’été, les vacances, et les JO commencent (ils ont déjà commencé pour une sous-équipe de France de football, les stars n’ayant pas daigné porter le maillot national, déjà battue 4-1 par le Mexique).
Certes, il faudrait profondément réformer le CIO, tout comme la FIFA, célébrer le sport et non la grandiloquence, imposer des Jeux plus respectueux des Hommes et de l’environnement… Il faut, il faut, mais comme il s’agit sans doute de vœux pieux, réjouissons-nous de la (saine) compétition, des records (sans dopage), de la fête (sans spectateur) que nous promet Tokyo.
Tant de champions nous ont émerveillés dans le passé, qu’on ne sait pas qui mentionner. Peut-être la formidable gymnaste roumaine Nadia Comaneci qui enchanta les JO de Montréal en 1976 parce que personne ne la connaissait et qu’on ne l’attendait donc pas ? Comme Opinion internationale célèbre depuis le début de la semaine la France qui gagne, souvenons-nous de Marie-José Pérec, triple championne olympique (en 1992 à Barcelone sur 400 mètres, en 1996 à Atlanta sur 400 mètres et 200 mètres). Cette année, au Japon, pays du judo, une médaille d’or de Teddy Riner serait une extraordinaire consécration pour le plus grand judoka de l’histoire.
Et puis Tokyo, c’est presque un terrain d’entraînement en vue des JO de Paris 2024 qui auront lieu dans trois ans. Emmanuel Macron ne s’y est pas trompé : il est le seul chef d’État du G7 à assister à la cérémonie d’ouverture à Tokyo aujourd’hui.
Allez Teddy, allez les 378 athlètes français (dont 54 ultra-marins mis en avant par Meryl Dupouy), vive la France, vive la Japon (à demain pour saluer l’empire du Soleil levant), et vive le sport !
Michel Taube