La lecture Sapiens : une brève histoire de l’humanité, de Yuval Noah Harari, devrait être au programme des étudiants de terminale et a minima de 1ère année de Sc. Po, où l’on est censé acquérir une culture générale. Il retrace l’Histoire de l’humanité et s’achève par quelques idées prospectives auxquelles l’auteur consacrera d’autres ouvrages, bien moins essentiels, car hypothétiques, l’avenir n’étant jamais comme on l’imagine.
Sapiens, publié par les Éditions Albin Michel en 2015 et vendu en France à 650 000 exemplaires (16 millions dans le monde et traduit en 60 langues), est un condensé de l’histoire de l’humanité. L’universitaire rétorquera qu’il n’apprécie pas les condensés et qu’aucun livre, aucune encyclopédie ne saurait prétendre à résumer 30 siècles. Nous ne sommes pas tous historiens (comme l’est l’auteur), mais aspirons néanmoins à mieux comprendre qui nous sommes, d’où nous venons et où nous pourrions aller. Bien que Yuval Noah Harari soit israélien, Sapiens fut aussi salué par la critique « de gauche », et même d’extrême gauche antisioniste, tel Mediapart. La politique moyen-orientale n’en est pas le thème, ce qui mettra à l’aise les antisionistes et autres antisémites. Mais il est très dur avec nous, les Homo sapiens, et particulièrement avec les Européens qui ont imposé à la planète leur capitalisme et plus généralement leur civilisation à coup de massacres et d’exterminations.
Nous ne sommes pas des anges. Nous sommes même d’une cruauté qui n’a pas d’équivalent dans la nature, nature que nous nous évertuons à décimer. Yuval Noah Harari nous tend le miroir de notre histoire et nous avons parfois (mais pas toujours) honte d’être des humains, en particulier Européens et blancs, même si le racisme, la haine et la capacité destructrice sont des « vertus » universelles et ancestrales. Ce que l’Homo sapiens a fait et fait encore à l’environnement, au monde animal, à ses semblables, est innommable. Des expressions comme « faire preuve d’humanité » ou « ne pas se comporter comme des bêtes » en perdent leur sens. L’humanité, c’est la violence, la domination, le pouvoir, même si c’est aussi du génie créatif et des progrès scientifiques dont la première conséquence est une périlleuse prolifération de l’espèce.
Sapiens est avant tout un ouvrage descriptif, extrêmement bien documenté et argumenté. On y apprend, par exemple, que l’Homme préhistorique, à l’issue de la révolution cognitive il y a environ 30 000 ans, était probablement plus savant et peut-être plus intelligent que l’homme moderne. Il maitrisait mieux son environnement hostile et les saisons. Il connaissait les vertus des plantes, savait apprivoiser le climat, se protéger des périls nombreux auxquels il était perpétuellement exposé. Yuval Noah Harari nous fait traverser la révolution agricole, qui accoucha non seulement de la première course à la productivité et à la spécialisation, mais contribua à asservir et à fragiliser l’Homme. Plus tard vint la révolution industrielle, suivie aujourd’hui par celle des technologies, chacune charriant son lot de progrès et d’espoirs, mais aussi de perversions et de malheurs.
Yuval Noah Harari explique comment l’Homme a su inventer des concepts basés sur la croyance et la confiance, comme la monnaie et le capital, l’État et la nation, Dieu et la religion, la politique et l’idéologie, la dictature et les droits de l’Homme… Sapiens est un livre socle, qui invite et explorer plus en détail certains pans de notre histoire, certaines époques qui ne sont qu’abordées dans l’ouvrage. Il est un livre d’histoire extrêmement actuel, écrit dans un style plus journalistique qu’académique. Il se lit aussi facilement qu’un roman, roman qu’il est d’une certaine manière, roman autobiographique de l’Homo sapiens, l’espèce destructrice et masochiste qui domine le monde.
« Sapiens : une brève histoire de l’humanité », de Yuval Noah Harari, Albin Michel 2015
Existe aussi en version BD, toujours chez Albin Michel
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Raymond Taube