Au cours (et au coeur) de ce mois d’août, pour vous changer les idées, vous effrayer et/ou vous rassurer, Opinion Internationale vous offre des extraits du livre de Raymond Taube et Patrice Cristofini « eSanté et Intelligence artificielle : entre promesse du meilleur et crainte du pire » (édition Maïa). Mêlant essai (pour le présent) et fiction romanesque (pour le futur), l’ouvrage expose de manière originale et disruptive un des grands challenges de l’humanité…
Montre, t-shirt, sex-toy… vive le monde connecté !
Ainsi, les t-shirts, maillots et chaussures connectés sont en passe d’inonder les rayons des magasins d’articles de sport, complétant ou remplaçant le bracelet et la montre connectés. Certains se targuent de stimuler les muscles, à l’image de ces électrodes placées sur la ceinture abdominale, sensées doter l’utilisateur d’abdominaux façon tablette de chocolat sans bouger de son canapé. Le « sport augmenté » est né, en attendant peut-être une nouvelle forme de dopage, le « vélo augmenté » (d’un moteur) ayant déjà été détecté lors de contrôles antidopage ! Pourtant, le prêt-à-porter connecté est à peine né qu’il est déjà en voie d’obsolescence : en amont de la fabrication de vêtements, c’est le tissu lui-même qui fait l’objet de travaux visant à optimiser sa conductibilité. Des chercheurs d’universités chinoises sont très en pointe en la matière, travaillant sur des fibres nanotechnologiques solides et flexibles. À la Tsinghua University, des vers à soie nourris aux nanotubes de carbone ou de graphène (à titre de savoureux complément alimentaire !) produisent une sorte de « soie augmentée » ouvrant la voie à la fabrication de toutes sortes de vêtements connectés et intelligents, tant à finalité sanitaire que pour le seul plaisir de leurs porteuses et porteurs ultra branché(e)s, dans tous les sens du terme. Cette fibre pourrait devenir l’interface universelle entre les différents implants à l’intérieur du corps, et le patient ou son médecin, si toutefois lesdits implants sont conçus à cet effet. Ce serait en quelque sorte la prise USB des vêtements connectés, et il suffirait de programmer ces fibres en fonction de chaque besoin pour qu’elle conduise l’information souhaitée. Par ailleurs, ces tissus peuvent faire office de panneau solaire, ce qui peut être fort utile pour recharger son précieux smartphone toujours en mal d’énergie. Le graphène, créé en 2004 et, globalement, les matériaux nanotechnologiques, annoncent de considérables bouleversements dont on ne perçoit que les balbutiements. Du remplacement du papier à l’écran pliable comme une feuille, en passant par la connectivité que nous venons d’évoquer, c’est une révolution des matériaux qui vient de débuter…
… La dernière catégorie d’objets connectés que nous présentons ici, celle des sex-toys connectés, nous oblige à un petit détour sémantique, voire juridique, par les couloirs de la respectable Organisation Mondiale de la Santé, l’OMS, dont nous rappelons sa définition de la santé : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité… ».
… Connecté est aussi ce vibromasseur féminin interfacé avec le contenu d’ouvrages érotiques. Plus la température monte entre les lignes d’un chapitre, plus l’instrument de plaisir monte en tours entre les cuisses de la lectrice. Ce mariage entre la littérature et le vibromasseur, entre culture et plaisir, pourrait faire école, et décupler le plaisir du lecteur en d’autres circonstances. On n’ose toutefois imaginer quel objet serait placé dans le slip de Monsieur pour donner vie à une scène de bagarre où le méchant recevrait un grand coup de pied dans les parties (écartons pour le moment l’éventualité d’une scène d’émasculation).
Le principal apport de la connexion aux gadgets sexuels ne réside pas dans la mesure des performances ou dans leur partage sur les réseaux sociaux. Non connecté, ou simplement interfacé avec son smartphone, le sex-toy reste voué au plaisir solitaire. Connecté, il permet une relation sexuelle à deux, mais à distance, avec le son et l’image de la webcam, certes un pis-aller, un lot de consolation, mais comme faute de grive on mange du merle, cela vaut toujours mieux que l’abstinence ou l’auto-contentement. Du reste, les sex-toys connectés peuvent également égayer, sous les mêmes draps, les nuits de vieux couples blasés. Proches ou distants, ils permettent à l’un d’exciter l’autre, en prenant le contrôle de cet instrument de plaisir charnel et par conséquent, le contrôle du corps de sa ou son partenaire.
On relèvera spécialement un produit permettant de répercuter à l’autre ses propres mouvements et soubresauts : massages, caresses, baisers, hum… presque comme si on y était, grâce au touché doux du silicone (qualité « médicale »). Plus perverse (ou exaltante, c’est selon !) est la possibilité de se connecter à un site dédié à la prise de contrôle du sex-toy par un amant ou une maîtresse inconnu(e) dont on pourra évaluer la dextérité et la propension à procurer du plaisir à distance. Une version de la maison close high-tech, sécurisée et respectueuse de la dignité humaine pour certains. Un symptôme de la décadence de la société numérique pour d’autres. Chacun appréciera…
Raymond Taube et Patrice Cristofini.
Extrait de « eSanté et intelligence artificielle : entre promesse du meilleur et crainte du pire »
Disponible chez votre libraire ou sur le site de l’éditeur Maïa