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15H15 - lundi 30 août 2021

Le Petit Larousse illustré ne vieillira donc jamais !

 

Sans perdre de son cachet avec, en son milieu, ses pages roses mythiques pleines de citations, expressions, proverbes, il se renouvelle chaque année pour rester à la page. Un tour de force lorsque l’on sait que l’édition 2022 en comporte 2048 – des pages. Le petit dernier-né le 19 mai se porte bien, merci !, avec ses 2,39 kg, ses 5 500 cartes, dessins, photographies, schémas, ses 150 planches illustrées et surtout, évidemment, ses 63 800 entrées dont 150 nouveaux mots, sens et expressions.

Nos dictionnaires évoluent parce que notre langue vit, avec ou non l’approbation des puristes et académiciens, engoncés dans leur uniforme, largement passé de mode, et empêtrés de leur épée haute couture hors de prix. Car une langue appartient, en premier et en dernier lieux, à ceux qui la pétrissent, la déforment, la nourrissent, la pratiquant au quotidien. Hormis la poussée des masses, les changements de mœurs, les événements historiques, les développements technologiques, les voyages, les échanges l’impactent. Il en fut de tout temps ainsi. Et c’est tant mieux.

Lorsque l’on s’intéresse à l’origine de nos mots, on découvre qu’ils sont nés souvent d’associations d’idées, de raccourcis légers, voire de malentendus parfois réjouissants. Ainsi, devons-nous nos culottes courtes au personnage de Panthalon, de la commedia dell » arte, notre baguette nationale à la « baccheta » italienne, qui signifie petit bâton. Nos tulipes se nomment ainsi parce que leur forme rappelle celle des turbans, ou « tulban » en turc et persan. Quant au mirador, dont nous nous serions bien passé, nous l’avons pris à l’espagnol. Certains vocables ont leur légende, comme notre cher bistro, que l’on attribue au russe, ce « vite » lancé par les soldats du tsar à la cantonade pour commander à nos comptoirs. Vrai ou faux ? L’essentiel réside dans le génie et l’imagination des humains, toujours prêts à interpréter, adapter et s’approprier ces mots qu’ils ne comprennent pas.

Dans l’histoire de la langue, aussi, certains mots ont plusieurs vies, leur sens évoluant au fil du temps et des usages. Mais je m’égare, c’est que notre langue me passionne. Je ne me lasse de l’explorer et d’apprécier ses mouvements, symboles de notre ouverture, de notre liberté.

Le cru 2022 du Petit Larousse illustré aurait pu sortir tristounet avec le lourd apport de l’actualité. En effet, des dizaines de mots — de « coronapiste » à « traçage » — sont entrés dans le dictionnaire des suites de la Covid. Pourtant, en parcourant rapidement la liste des nouveaux membres du cénacle de la langue officielle, j’en ai trouvé quelques-uns pour détendre l’atmosphère. Comment ne pas s’amouracher de la « nounounerie » (bêtise ou stupidité) venue tout droit du Québec ou du verbe « s’enjailler », issu d’un métissage entre l’anglais « enjoy » et la terminaison française du premier groupe en « er », qui signifie faire la fête, s’amuser, à la mode ivoirienne. Rien que sa sonorité donne envie de danser…

Aussi, quand il m’a fallu en choisir un parmi eux à vous présenter ici, cela n’a pas été facile. J’ai longuement hésité entre la fonctionnelle « rubalise », ce ruban coloré que l’on tend par exemple autour des scènes de crime pour les délimiter dans vos thrillers préférés, et le « mocktail » si bien trouvé, parce que franchement sans alcool, de qui se moque-t-on ? C’est Molotov qui doit se retourner dans sa tombe. Il y avait aussi « mobard », ni bobard ni jobard, vétéran suisse des guerres mondiales, car oui, le pays neutre des banques et du chocolat avait, lors de ces conflits, mobilisé ses troupes afin de protéger sa souveraineté et sa neutralité. Enfin, après avoir balancé, mon cœur s’est arrêté — non merci, rien de grave — sur le mot « emoji ».

Emoji, mais pourquoi ? D’abord pour son « emo », émotif malgré lui – je reviendrai dans quelques lignes sur son étymologie – et ensuite pour son « ji » qui conclut sur un rire discret, note d’ironie, une pirouette. De plus, parce qu’ils sont pratiques, ces bonhommes sympathiques, avec leurs traits basiques, pour exprimer nos états d’âme sans trop nous prendre au sérieux. Pour la petite histoire, ils sont nés en 1997, descendants directs des émoticônes créés dans les années 1980 à l’usage des informaticiens. En 2018, il en existait 2 823 codifiés en standard Unicode. Aujourd’hui, près de 5 % des messages électroniques en comprennent au moins un. Quant à l’étymologie de leur appellation, rien à voir, je vous le disais, avec mes supputations. Le « e » de son début signifie image en japonais, et « moji » lettre. Tout simplement.

Catherine Fuhg

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