On peut rester de marbre à la vue de ce nounours en vitrine, de ce bout de voiture exhibé (une Picasso en l’occurrence, vous avez compris la « subtilité » ?), de cette plante en courbes et en creux qui évoque Le Journal de Mickey et se demander alors comment Bertrand Lavier peut être exposé. « La valeur d’usage de l’objet est annulée pour devenir un pur signe, une matière à penser capable de réinvestir avec humour les objets prosaïques, des éléments industriels ou des procédés artistiques ». Voilà pour l’explication de texte des vitrines du rez-de-chaussée. Nécessaire et indispensable pour appréhender ce type « d’art ».
En 2021, il y a aussi les toiles exposées au deuxième étage réunies autour de la figuration humaine. Xinyi Cheng, Peter Doig ou encore Kerry James Marshall ou Claire Tabouret apportent leur vision de visages allégoriques ou réels. Le leaflet de l’expo nous parle de « l’urgence de créer de nouvelles représentations, de donner à voir différemment ceux qui n’ont pas eu leur place dans la tradition picturale ». Il n’y a pas d’urgence pour ce type de toiles. Si l’on parle de l’identité noire, il nous paraît plus intéressant d’aller visiter le Musée d’Orsay et les œuvres de Manet, de Frédéric Bazille ou de Marie Guillemine Benoist, de feuilleter « Noir : entre peinture et histoire » de Naïl Ver-Ndoye et Grégoire Fauconnier ou d’admirer les magnifiques compositions colorées d’Evans Mbugua.
La salle consacrée à David Hammons peut également laisser perplexe, son détournement des objets ramassés dans des décharges publiques n’étant pas toujours des plus convaincants, à l’exception d’un panier de basket revisité qui a le mérite de l’esthétisme.
Toutes ces personnes ont croisé le chemin de François Pinault qui, pour financer ses musées, achète des œuvres à bas prix, les expose, faisant ainsi monter leur côte, et les revend. Une façon de rentabiliser ses galeries à travers le monde. Et pourquoi pas ?
Parce qu’au-delà de toiles qu’on n’accrocherait pour rien au monde dans son salon, le bâtiment réhabilité vaut, à lui seul, le détour. Grandiose, magnifiquement restaurée et transformée par Tadao Ando, NeM/Niney et Marca Architectes ainsi que par l’agence Pierre-Antoine Gatier, l’ancienne Bourse de Commerce a retrouvé sa splendeur. La coupole inaugurée en 1813 pour couvrir la Halle aux Blés, la toile marouflée de 1400 m2 représentant les échanges commerciaux à l’échelle mondiale, l’escalier à double révolution qui permettait de monter et descendre les sacs de blés sans se gêner ou la salle des machines pour refroidir le bâtiment sont autant de merveilles à aller voir.
Mais aussi… L’œuvre centrale en cire d’Urs Fischer est magnifiquement mise en valeur et ses formes mouvantes au gré de la fonte constituent un ensemble très intéressant et symboliquement fort. De même, les peintures de Rudolf Stingel, telles des photographies, sont saisissantes et très touchantes. La thématique de Michel Journiac « 24 heures de la vie d’une femme ordinaire » est également assez amusante. On s’attardera encore quelques instants sur le Helms Amendment, une loi votée en octobre 1987 interdisant aux centres de santé d’utiliser les fonds fédéraux pour financer des actions de prévention contre le Sida, puisqu’elles « encourageraient directement ou indirectement des activités homosexuelles ».
Pour sensibiliser le public à cet acte inique, Louise Lawler a représenté les 94 sénateurs, républicains et démocrates sous la forme d’un gobelet, objet insignifiant et jetable, répété 94 fois.
Pour finir, n’oubliez pas de vous rendre au sous-sol où Pierre Huyghe offre un moment apaisant sous forme d’un jeu de lumières et de couleurs qui varient selon l’hydrométrie, la présence des spectateurs et au son d’une singulière version de la Gymnopédie n°1 d’Erik Satie.
Alors si l’on passe outre des tableaux aux explications peu convaincantes, oui, il faut aller voir la Collection Pinault, d’autant que les artistes changeront alors que la plus belle partie, le bâtiment, restera.
Bourse de Commerce – Collection Pinault
2 rue de Viarmes, 75001 Paris
https://www.pinaultcollection.com/fr
Plein tarif : 14 €