« Déconfinement ». Certains correcteurs orthographiques ne reconnaissent pas encore ce mot issu de la pandémie de « Covid », lequel Covid est lui-même nouveau venu dans le dictionnaire. Sa nature féminine ne fait pas l’unanimité, n’en déplaise à l’Académie française. La crise sanitaire n’a donc pas seulement changé notre mode de vie. Elle a propagé un vocabulaire de circonstance, parfois douteux, comme la « quatorzaine », alors que cela fait bien longtemps qu’une quarantaine ne dure pas nécessairement quarante jours. Pourquoi pas une troiszaine ou une neuftroisquartdaine (dans le dictionnaire de Poudlard !)
Déconfinement, donc. Un mot presque aussi laid que « confinement », mais synonyme de liberté retrouvée pour ceux qui ont connu le « lock down » (confinement à la sauce anglo-saxonne). Le Larousse en ligne le définit comme « Action de faire cesser le confinement ; fait de ne plus être confiné. » Le Robert en ligne se contente d’un modeste « Levée du confinement. » Wikipédia est bien plus explicite, comme il se doit d’une encyclopédie : « Le déconfinement est la sortie d’une période de confinement, assortie d’un ensemble de mesures, dispositifs, voire stratégies à l’échelle d’un État, mais aussi de multiples procédures stratégiques d’observance ou d’évitement à l’échelon individuel, de structure de services de production. » Pour Wiki, le déconfinement n’est pas seulement un état de fait (la sortie du confinement), mais également une démarche politique d’accompagnement de cette sortie. On peut en douter, tant les Français ont eu le sentiment que fin juin, la bride était lâchée et la liberté retrouvée.
L’Académie française ignore encore le déconfinement. Et cela pourrait durer, car à la définition du confinement, nos chers académiciens précisent : « Depuis peu, les termes déconfiner et déconfinement sont très fréquemment employés, mais ils ont la triste réputation d’être des néologismes mal venus, alors qu’ils sont bien formés, avec ce préfixe dé-, particulièrement productif. De plus, ceux qui leur jettent ainsi la pierre oublient que déconfinement se lit depuis une quarantaine d’années. On trouve ainsi, dans les très sérieux Comptes rendus de l’Académie des sciences (volume 292, 1981) : “Un réacteur thermonucléaire à confinement magnétique doit fonctionner à l’équilibre. Les gains dus à la réaction compensent exactement les pertes par rayonnement et déconfinement.” Quant à déconfiner, il est antérieur à la première édition de notre Dictionnaire, pourtant parue en 1694. Il n’est pour s’en convaincre que d’ouvrir le malheureusement trop peu lu Dictionnaire orateur François-Latin-Aleman, édité par Johann-David Zunners en 1688, et dont il est précisé qu’il contient tous les mots et toutes les belles phrases françoises et alemandes tirées des meilleurs auteurs de notre siècle. On y trouve en effet l’exemple Déconfiner les ennemis. Certes en pareil cas, déconfiner les ennemis signifie les repousser au-delà des frontières, mais de même que, on l’a vu plus haut, il arrivait jadis que l’on se confinât, tout un chacun sera ravi aujourd’hui de franchir les frontières qui l’enclosent. »
L’Académie française ignore par conséquent un terme dont la racine verbale (« déconfiner ») existait déjà au 17ème siècle, et peut-être avant (le correcteur orthographique de Microsoft Word l’ignore aussi). Déconfiner, c’était alors repousser l’ennemi au-delà des frontières. Dont act : déconfinons le coronavirus ! Non, non… En 2021, confinons-le dans les entrailles de la Terre afin qu’il n’en ressorte plus, sous peine de dépérir par la grâce des vaccins ! Bon… Confiner, déconfiner… Ce virus ne nous prendrait-il pas pour des c… ?!
Raymond Taube