Clap de fin pour Jean-Paul Belmondo. Celui qui a enchanté les écrans, tantôt cabriolant, tantôt grave, s’est éteint à l’âge de 88 ans à son domicile. Sa présence et sa prestance sont gravées dans un demi-siècle de cinéma.
Boxeur gouailleur au corps leste, adulé des foules, il tenait le haut du pavé du box-office des années 1960 à 1980 avec des films qui ont définitivement marqué le 7ème art.
Formé au Conservatoire, il n’y fait pas l’unanimité parmi les professeurs (il se voit refuser l’accès à la Comédie française), mais se constitue une bande de copains qui s’appellent Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Françoise Fabian, Bruno Cremer, Claude Rich, rejoints ensuite par Philippe Noiret, Jean-Pierre Mocky ou Annie Girardot.
Préférant le théâtre parce que le cinéma « c’est trop con », il obtient des seconds rôles alimentaires, voire des figurations comme dans Les Tricheurs de Marcel Carné. Peu à peu, il s’impose dans la Nouvelle Vague, notamment avec Claude Chabrol (A double tour) et Jean-Luc Godard, alors critique de cinéma, qui lui donne le premier rôle dans A bout de souffle. Son agent lui déconseille de s’engager avec ce quasi-inconnu dans une production sans argent et sans scénario. Le succès sera pourtant phénoménal, Jean-Paul Belmondo crève l’écran et le film sera à jamais dans les mémoires. Il suivra également Godard dans Une femme est une femme (1961) et Pierrot le fou (1965), toujours avec brio. A cette époque d’ailleurs, il tourne avec tous les grands réalisateurs : Claude Sautet (Classe tous risque), Jean-Pierre Melville (Léon Morin prêtre), François Truffaut (La sirène du Mississipi)… Ils sont tous sous le charme de cet acteur sincère au sourire déconcertant.
Inoubliable dans Un singe en hiver (Henri Verneuil, 1962) lorsqu’il joue les toréros avec les voitures, le fils du sculpteur Paul Belmondo tournera aussi dans Cent mille dollars au soleil du même réalisateur.
Il vire ensuite à la comédie d’action, tout en muscles et en séduction, lorsqu’il rencontre Philippe de Broca. De cette amitié durable 5 films verront le jour : Cartouche, L’homme de Rio, Les tribulations d’un Chinois en Chine, Le Magnifique, L’Incorrigible. Autant de films, autant de succès : Jean-Paul Belmondo n’est plus ; Bébel est né.
Le Français se l’approprie comme un porte-drapeau d’un art de vivre joyeux, léger, insouciant. La jeunesse des années 70 lui trouve du style, les parents lui concèdent du charisme. Cravate défaite, cheveux en bataille, et une truculence pleine de charme. Effectuant lui-même ses cascades, roulant, sautant, conduisant à toute berzingue, il a emmené l’Hexagone dans ses aventures abracadabrantes comme dans Le Cerveau ou L’as des as de Gérard Oury qui dépassent tous deux les 5,5 millions de spectateurs. Les films de Bebel ont alors autant de succès que peuvent l’avoir ceux de De Funès ou d’Alain Delon. Aujourd’hui, la plupart de nos comédies sont vulgaires et grossières, celles de Bebel étaient le peps et la fraicheur.
Avec les années, il passe à des films plus graves comme Le Professionnel, Flic ou Voyou, Peur sur la Ville ou Hold-up, avant que sa carrière ne connaisse un ralentissement. Il obtient néanmoins le César du meilleur acteur en 1989 pour Itinéraire d’un enfant gâté de Claude Lelouch, distinction qu’il refusera. Ses problèmes de santé l’éloignent du cinéma, mais une palme d’or pour l’ensemble de sa carrière lui sera remise en 2011.
Aujourd’hui, notre Bebel national est décédé, emportant au loin ses facéties et ses drames et surtout son statut de véritable héros populaire.
« Môme, t’es mes vingt ans » disait de lui le personnage de Jean Gabin dans Un singe en hiver. Il était, en effet, toute notre jeunesse.
Un hommage national lui sera rendu jeudi 9 septembre aux Invalides.
Deborah Rudetzki