Dans le cadre de la Foire de Châlons-en-Champagne 2021, s’est tenue une conférence consacrée aux enjeux de la eSanté au travail, dans le cadre d’un cycle de conférences organisés par AXON’ et son président Joseph Puzo.
Le premier intervenant n’était autre que le docteur Patrice Cristofini, CEO de Cristhold, société de conseil international, Président du club Paris Shanghai, Président d’honneur fondateur du club eSante du CEPS (Centre d’études et de prospective stratégique). Il est aussi le co-auteur du livre « eSanté et Intelligence artificielle (IA) : entre promesse du meilleur et crainte du pire », qu’il vient de publier aux Éditions Maïa avec Raymond Taube, directeur de l’IDP – Institut de Droit Pratique et rédacteur en chef d’Opinion Internationale.
L’exposé du docteur Cristofini consacré à « La Révolution digitale en santé : enjeux et perspectives ? » fut une mine d’informations, tant technologiques qu’économiques, informations qui révèlent aussi le retard pris par la France et l’Europe, en particulier sur les États-Unis et la Chine, comme si nos dirigeants politiques n’avaient pas pleinement saisi l’importance stratégique de l’enjeu.
L’expert international a d’abord rappelé que la santé ne se résume pas à soigner les malades, mais que selon la définition qu’en a donnée l’OMS, il s’agit d’un « état complet de bien-être physique, mental et social ». De ce fait, les bien-portants qui espèrent le rester sont tout aussi concernés, ce qui conduit à évoquer l’impact considérable de la eSanté ou santé connectée et de l’IA sur la prévention : avec le concours des objets médicaux connectés et de l’IA, et des dépistages opérés dans le cadre de la santé au travail, notre santé va s’améliorer à l’avenir. La prévention, qui fut le leitmotiv sanitaire du candidat Emmanuel Macron durant la campagne des élections présidentielles de 2017, peine encore à s’imposer, alors que le patient, tout comme les finances publiques, en seraient les premiers bénéficiaires. Elle permet de réduire les risques et donc les coûts à la charge du contribuable.
Certes, la crise de la Covid a accéléré l’acceptation de la esanté ou santé connectée comme un pilier de notre santé, notamment avec les téléconsultations que l’Etat a enfin pleinement reconnues en 2020.
Il résulte de cette e-prévention par la e-santé de considérables implications économiques. Le marché est en effet colossal : 235,4 milliards de dollars à l’horizon 2023, avec une progression de 160 % par rapport à 2019.
Par ailleurs, la eSanté associée à l’IA, modifie en profondeur la relation entre le médecin et le patient, ce dernier aspirant désormais à être un acteur de ses soins et de sa santé. Bientôt, ce ne sera plus le médecin qui recevra le patient, mais l’inverse !
Les applications prometteuses du tandem eSanté – IA sont déjà en cours de déploiement dans de nombreuses disciplines et secteur d’activité de la santé : diagnostic assisté par télémédecine, télémonitoring des individus, digitalisation des essais cliniques, recherche de nouvelles thérapies et personnalisation (jumeau numérique), thérapies digitales, réalité virtuelle augmentée appliquée à la formation, prédiction et génomique, et maintenant l’IA. La rapidité avec laquelle ont été élaborés des vaccins contre la Covid, en particulier grâce à la technologie ARN Messager, n’est pas complètement étrangère à cette révolution technologique, qui n’en est pourtant qu’à ses débuts.
Le docteur Patrice Cristofini a nous a alertés sur le challenge que doit relever l’Europe pour rattraper son retard sur les géants mondiaux de la eSanté et de l’intelligence artificielle, la Chine et les Etats-Unis principalement, car au-delà des questions éthiques, cette révolution est déjà en marche. Ceux qui auront raté le train de l’IA pourraient être irrémédiablement disqualifiés. Quand on sait que le pouvoir appartient aujourd’hui largement à celui qui possède les données, et que nous sommes en compétition permanente avec des méga structures publiques comme privées, les tergiversations ne sont plus permises…
Mais Patrice Cristofini attire aussi notre attention sur les risques d’un monde hyperconnecté, avec des citoyens qui se croient à tort protégés par la règlementation, en particulier le Règlement européen sur la protection des données à caractère personnel, le RGPD. Il souligne à juste titre qu’il ne faut pas tout attendre de l’État et que nous devons tous être vigilants dans nos pratiques quotidiennes, ne serait-ce qu’en utilisant internet et les réseaux sociaux. L’innovation, si fascinante et porteuse d’espoirs soit-elle, ne doit pas rendre aveugles les citoyens.
Patrice Cristofini conclua son exposé (et son nouveau livre) par une citation de Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Appliquée à la eSanté, cette citation doit éveiller nos consciences sur les dérives et dangers de la folle épopée de la collecte des données personnelles.
Michel Taube