Poète cubain, José-Maria de Heredia s’installe en France en 1861 à l’âge de 19 ans et immédiatement se lie d’amitié avec Guy de Maupassant, Sully Prudhomme ou encore Anatole France. Il incarne à merveille le mouvement parnassien qui prône réalisme et perfection de la forme et rejetait le romantisme et le lyrisme des siècles précédents. Après avoir publié quelques œuvres dans des journaux, Leconte de Lisle (auteur des Poèmes Barbares) l’introduisit au Parnasse Contemporain où il fut reconnu comme un poète de talent. Élu à l’Académie française en 1894, sa production reste essentiellement limitée à un seul recueil : Les Trophées. Ensemble de 118 sonnets, cette œuvre est considérée comme l’apogée du mouvement parnassien. « Le Lit » en est un bel exemple avec son descriptif des couches qui peuvent traverser une vie, jusqu’à la mort.
Le lit
Qu’il soit encourtiné de brocart ou de serge,
Triste comme une tombe ou joyeux comme un nid,
C’est là que l’homme naît, se repose et s’unit,
Enfant, époux, vieillard, aïeule, femme ou vierge.
Funèbre ou nuptial, que l’eau sainte l’asperge
Sous le noir crucifix ou le rameau bénit,
C’est là que tout commence et là que tout finit,
De la première aurore au feu du dernier cierge.
Humble, rustique et clos, ou fier du pavillon
Triomphalement peint d’or et de vermillon,
Qu’il soit de chêne brut, de cyprès ou d’érable ;
Heureux qui peut dormir sans peur et sans remords
Dans le lit paternel, massif et vénérable,
Où tous les siens sont nés aussi bien qu’ils sont morts.
José-Maria de Heredia, Les Trophées
Deborah Rudetzki